Raoul Peck, le contre-récit

L’Histoire de l’Amérique est une histoire coloniale, faite de conquêtes et d’extermination, une histoire racontée par les vainqueurs, une histoire pleine de silences. L’histoire de tout l’occident s’est construite sur des conquêtes, sur des massacres et sur des silences. Le film de Raoul Peck – ancien ministre de la Culture et cinéaste haïtien - se présente comme un long cri.

Quatre heures de paroles ininterrompues pour dire - et pour montrer - tant la violence que le déni. Quatre heures d’images et de mots pour chercher le fil rouge sang qui relierait entre eux les tueries et les asservissements qui ont forgé l’humanité à l’âge moderne. Nombre d’historiens sont venus, par leurs travaux, contrer les mensonges des romans nationaux dont les Etats-Unis et les pays d’Europe tiraient leur fierté. Raoul Peck n’est pas historien. Ce qu’il bâtit, lui, c’est un contre-récit.

Raoul Peck a choisi de se placer au centre de ce récit parce que, dit-il, "il est un moment où il n'est plus question de neutralité. Il est question de moi, de mon regard et de mon histoire." Pour cela, il s'est appuyé sur les travaux de trois éminents chercheurs et historiens : l'Américaine Roxanne Dunbar-Ortiz, le Suédois Sven Lindqvist et Michel-Rolph Trouillot, haïtien comme lui.

"Les thèses développées par Michel-Rolph Trouillot reviennent aujourd'hui dans la discussion universitaire aux Etats-Unis. Thèses qui critiquent la manière dont l'histoire a été utilisée. L'histoire est incomplète puisque, pour faire un raccourci, c'est l'histoire des vainqueurs.

L e cinéma américain a réécrit l'histoire de l'Amérique

"Le cinéma dominant est le cinéma hollywoodien. Et ils nous racontent le monde. Et il le raconte d'un point de vue très clair et on a une image du monde qui est reflétée à travers ces images. Je me rappelle la première fois que j'arrive au Congo, j'ai huit ans et je suis persuadé qu'il va y avoir des sauvages avec des lances qui dansent autour de l'avion et probablement un Tarzan dans le hall d'arrivée qui va nous saluer, parce que ma connaissance de l'Afrique, à ce moment-là, était totalement aliénée et réduite à ce que j'avais vu dans le cinéma hollywoodien."

► Le travail sur les images et sur les archives, la sectorisation de l'histoire, la déconstruction de plus de 700 ans de l'histoire européenne, Raoul Peck les évoque dans la suite de l'émission, à écouter