

Des ors de la République jusqu'aux bancs du palais de Justice en passant par la direction de la Maison de la radio et de l'Institut national d'audiovisuel, Mathieu Galet retrace son ascension et sa chute dans Jeux de pouvoirs aux éditions Bouquins.
- Mathieu Gallet Homme de médias
Elu à l’unanimité par les membres du CSA en 2014. On aura tout dit – y compris sur notre antenne - sur son charme et sur sa fulgurante réussite, jusqu’à lui prêter une liaison avec Emmanuel Macron.
On s’est montré moins éloquent sur les coulisses de son éviction
En mars, 2018, notre pdg fut – pressé par le gouvernement, lâché par le CSA – obligé de démissionner. Il parle, lui, d’un flingage en règle.
Maintenant que justice a été rendue, il prend la plume et tire à son tour. Comme à la fin d’un bon western où le justicier – plus solitaire que jamais- destine une balle à chacun de ses adversaires.
Une balle à l’ancienne ministre de la culture Aurélie Filippetti, deux pour la suivante Fleur Pellerin, une pour Manuel Valls, une pour l’entourage d’Emmanuel Macron, une pour Catherine Sueur, ancienne directrice générale de Radio France, une pour Agnès Saal qui lui a succédé à l’INA, etc, etc…
Entre deux rafales, il raconte son ascension sociale et son déracinement politique. Portrait d’un microcosme sans pitié : le pouvoir ne se partage pas, pour le garder, il faut savoir tuer.
Extraits de l'entretien
Homme de pouvoir ou homme d’action ?
L’ancien PDG explique : « C’est un livre sincère. Moi, j'aime faire, transformer. J’avais vu que Radio France était une entreprise sous-administrée, pas pilotée. C’est peut-être dur pour l'équipe précédente, mais c'était le sentiment que j'avais. Le pouvoir est fait pour être exercé, ce n'est pas une question de représentation. J’ai changé cette antenne. Laurence Bloch, que j'ai nommée à la tête de France Inter en 2014, a eu le courage de changer la grille, et d’amener de nouvelles voix. Il fallait plus de femmes : quand je suis arrivé, il n’y en avait aucune femme à la tête d’une radio du groupe Radio France. »
Lâché en pleine campagne
Mathieu Gallet revient sur ses débuts à Radio France : « Cela ne m’explose pas à la figure tout de suite. Il y a eu un temps d'installation des nouvelles grilles et de nouvelles personnes à Radio France. Puis les choses s'enveniment. Mon « cadeau d'arrivée » ce sont les fameux 20 millions d'euros de budget en moins sur 580.
Or, à Radio France, l'essentiel, des programmes sont faits en interne. Donc si avez des économies à faire, cela se fait sur le personnel qui est le premier poste de dépenses. J'ai dû faire un plan de transformation plus rapide, plus dur que ce que j'avais prévu. Forcément, ça crispe. Quand en plus, vous avez un pouvoir qui ne vous a pas choisi puisque moi j'ai été élu à l'unanimité par le CSA, et qu'à l'époque, j'étais marqué à droite...
A mon arrivée, le pouvoir socialiste s'était d’ailleurs contenté de m'envoyer un SMS par le truchement de la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, en guise de bienvenue !
Il a fallu que je prenne mes responsabilités. Au moment où je demande au Premier ministre Manuel Valls de me soutenir sinon ça va tanguer puisqu'on va supprimer presque 300 postes : il n'y a plus personne ! »
Le coût de la réfection du bureau de la présidence
Mathieu Gallet raconte : « A ce moment-là que ça devient dur. La grève éclate, et très opportunément, l'affaire du bureau est révélée. Je découvre dans Le Canard Enchaîné son coût. La réfection de la présidence au troisième étage de la Maison de la radio, est quasiment terminée d'être installée après avoir déménagé. J’interroge la directrice générale sur ces 100 000 € dans un tableur Excel. Je comprends qu’après l’Etat qui me lâche, c’est l'interne : la fuite ne pouvait venir que de Radio France. »
Sonia Devillers complète le tableau de la situation : « La ministre de la Culture Fleur Pellerin s'active avec constance et acharnement pour vous mettre des bâtons dans les roues, voire pour négocier dans votre dos avec les syndicats de la maison. Il y a Olivier Poivre d'Arvor, l'ancien directeur de France Culture, qui se dit disponible… »
La rumeur d’une liaison avec Emmanuel Macron
Emmanuel Macron, en campagne sur la scène du théâtre de Bobino, dans un texte très écrit évoque cette rumeur. Mathieu Gallet : « Je dîne avec quelques amis, et je vois mon portable vibrer. Je comprends qu’il s'est passé quelque chose. Emmanuel Macron m'appelle le lendemain pour me dire : « Au fait, j'ai parlé de « nous » ». Le ton est amusé car ce « nous » est totalement fictif. La méthode sur le fond est la bonne, mais j'aurais préféré qu'il m'appelle avant. »
Sonia Devillers résume ce que Mathieu Gallet dit dans son livre : « Vous laissez entendre que les conseillers d'Emmanuel Macron laissent prospérer cette rumeur parce que ça les arrange. Cela leur permet de normaliser ce couple hors-norme que le candidat forme avec une épouse qui a 24 ans de plus que lui. Vous dites qu'on en est venu à soupçonner Olivier Schrameck, ancien président du Sénat, d'être un homosexuel dans le placard, et donc de vous avoir favorisé parce que vous êtes homosexuel !
Pour Mathieu Gallet : « C’est pour cela que je dis que c'est aussi un livre sur ces mœurs politique françaises. Cette rumeur vient de nulle part parce que nous ne sommes pas proches.
Ce n'est pas comme si on était des amis et qu'on tire le fil pour dire c'est plus que cela. ous sommes des connaissances professionnelles. Mais il y a bien quelqu'un qui l'a inventée. Moi, ma conviction est qu’elle provient plutôt du camp d'Emmanuel Macron.
On pensait en 2016/2017 que raconter l'histoire d'un président-candidat qui serait faux sur sa vie privée parce qu'il cacherait sa véritable nature, montrerait qu'il pourrait être faux sur sa vie publique. Je trouve ça dégueulasse.
Ce sont des méthodes qui montrent que tout est permis dans ce monde politique, y compris de salir effectivement un couple. J'ai pensé à Brigitte Macron : elle n'a rien demandé à personne, tout comme moi. J’établis quelques raisons objectives : on a le même âge avec Emmanuel Macron, on vient de milieux assez semblables, et on a vite réussi chacun dans le domaine... Mais cette liaison est une invention. »
Un exemple d’homophobie
Sonia Devillers rappelle un article publié dans Challenges cite le témoignage d’une personne qui se cache derrière l'anonymat : « C'est une bien belle carrière pour une ancienne ouvreuse de Canal+. »
Mathieu Gallet note que : « Cette remarque est misogyne, homophobe et est le signe d'un grand mépris social. Cette phrase m'a beaucoup blessée. Et mes parents, aussi. C’est la seule fois de ma vie où j'ai écrit au directeur de la publication de Challenges, Claude Perdriel pour lui dire à quel point j'avais trouvé choquant que son journaliste laisse passer une telle phrase dans un journal qui est quand même un journal connu pour ses engagements progressistes. Mais cela me reste au travers de la gorge. »
Les frais de taxis d’Agnès Saal à l’INA
Sonia Devillers a lu dans Jeux de pouvoir qu’alors qu’il était à la tête de l’INA, on était venu le trouver avec une enveloppe kraft et une clé USB. Il y avait dessus toutes les preuves d'une utilisation plus qu’abusive des taxis (41 000€) par Agnès Saal. Mais Mathieu Gallet refuse de s’en servir. L’affaire sortira ensuite dans Le Figaro.
Mathieu Gallet justifie son geste : « Même si j'avais compris que Agnès Saal ne faisait pas partie de mes alliés qu’elle avait dézingué mon travail, je refuse de m'en servir parce que ce ne sont pas mes méthodes. Elle a raconté elle-même que la ministre de la Culture lui demande de sortir des dossiers sur moi, qu'elle, en bon petit soldat l’a fait et qu'ensuite le cabinet de la ministre s'est chargé de distribuer ces informations. »
Plaidoyer pour un audiovisuel fort
Mathieu Gallet conclut : « Il faut vraiment chérir l'audiovisuel public.
La suppression de la redevance est un élément qui peut déstabiliser son financement.
Il faut qu'on audiovisuel national fort. Et à titre personnel, je suis favorable à la fusion entre TF1 et M6 pour avoir des acteurs nationaux privés forts, à côté de l’audiovisuel. Je suis d'ailleurs favorable à la création d'une entreprise unique de l'audiovisuel public. Car les plateformes américaines dépensent aujourd'hui des milliards de dollars par an dans la production. Et c'est aussi un enjeu de société pour les jeunes. Aujourd'hui, si la jeunesse n'écoute plus, ne regarde plus la radio et la télévision, cela va devenir un vrai problème dans les années à venir. »
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