Serge Tisseron : comment protéger les mineurs à l'ère d'Internet ?

Comment mieux prévenir des dangers des écrans pour les enfants ?
vidéo
Comment mieux prévenir des dangers des écrans pour les enfants ? ©Getty
Comment mieux prévenir des dangers des écrans pour les enfants ? ©Getty
Comment mieux prévenir des dangers des écrans pour les enfants ? ©Getty
Publicité

Le CNC a confié à Serge Tisseron, psychiatre, spécialiste des enjeux liés à l’image et aux nouvelles technologies, un rapport qui souligne le rôle prescripteur des parents, et formule des propositions culturelles, juridiques et économiques.

Le psychiatre Serge Tisseron est infatigable laboureur de l’image depuis maintenant 30 ans. L’homme qui a tant écrit sur la puissance de l’imaginaire, sur le développement cognitif des tout petits, les processus narratifs, sur l’empathie aussi. L’homme qui a mis en garde quant à l’impact des écrans sur nos enfants. 

Serge Tisseron signe aujourd’hui un rapport de 250 pages pour le Centre National de la Cinématographie, organisme qui finance une bonne partie des œuvres audiovisuelles, au-delà du cinéma. Enjeu, la signalétique. 

Publicité

Comment prévenir face aux images inadaptées aux plus jeunes ?

... Alors que la question n’est plus seulement celle de la télévision mais d’un flot ininterrompu d’images que les enfants reçoivent sur leur téléphone dès l’école primaire. 

L’offre et les sollicitations sont telles que nous sommes nombreux à avoir baissé les bras. Serge Tisseron est-il le Sisyphe des temps modernes ?     

►►► Lien CNC : "Quelles protections pour les mineurs dans l'audiovisuel à l'ère d'Internet ?"

Extraits de l'émission

  • méconnaissance du fonctionnement psychique des enfants

Serge Tisseron pointe dans ce rapport une méconnaissance du fonctionnement psychique des enfants : beaucoup d'adultes ont tendance à penser qu'il est important de prendre en compte le contexte dans lequel des images problématiques sont montrées. Or, un jeune enfant ne contextualise pas :

"Les adultes ont oublié leur enfance, ce n'est pas étonnant. Et quand on est adulte, on raisonne en terme de deux catégories, la réalité et la fiction, alors c'est ce qu'on essaye d'expliquer aux enfants : "Rassure toi, ça, c'est de la fiction, c'est inventé". Pour l'enfant, ça ne marche pas comme ça. Pour lui, ce qui est important, c'est le contrôle de ses émotions : si un enfant a des émotions très fortes devant un spectacle dont il sait que c'est une fiction, son problème, ça n'est pas que ça soit une fiction mais qu'il est débordé par ses émotions".

Les enfants qui vous disent je me fiche de savoir si c'est vrai ou pas. Ça me fait peur.

  • Fortnite, PEGI et la violence aujourd'hui à l'écran

Dans Fornite, on peut voir des scènes de mort : des meurtres, des assassinats, des fusillades… Et pourtant, personne ne souffre, personne ne saigne. On se relève et on continue. Est-ce une image violente ou une image non violente?

ST : "Fortnite est un jeu vidéo, et les jeux vidéo obéissent à la norme PEGI (Pan European Game Information). Ce jeu est en principe réservé aux enfants de plus de 12 ans mais en fait, il y en a énormément qui ont 8, 9 ou 10 ans qui y jouent.

"12 ans" dans la norme PEGI, c'est lorsque il n'y a pas de sang. (avec ce serait "16 ans") . DOnc l'enfant peut être complètement bouleversé par les choses qu'il voit, mais dans la mesure où il n'y a pas de sang, ça reste "12". Mais vous savez, ce n'est pas le plus problématique parce que dans un jeu vidéo, l'enfant a une posture active. L'enfant peut retrouver des camarades à l'intérieur du jeu. L'enfant peut choisir sa manière de jouer sur le mode de la construction, sur le mode du combat."

Ce qui est aussi problématique, même plus à mon avis, ce sont ces films pour lesquels des parents pensent que, parce qu'ils ne sont pas interdit aux moins de 12 ans, ils pourraient être vus par un enfant de 5 ou 6 ans.

Le défaut d'information des parents sur les capacités d'un jeune enfant à avoir un film est à mon avis un problème bien plus préoccupant."

  • TV, smartphones, etc : pas d'écran avant trois ans

LIRE AUSSI | Quelques conseils avec les règles des 3-6-9-12 et des 4 "pas"…

Serge Tisseron souhaiterait que soit mis en place en permanence un macaron rappelant "pas d'écran avant trois ans".

"Le Conseil supérieur de l'audiovisuel mène chaque année une campagne pendant une semaine pour rappeler que les écrans ne sont pas adaptés aux enfants de moins de trois ans. Une semaine dans l'année, ce n'est pas beaucoup. Et pourquoi ne pas le rappeler à tout moment puisque personne aujourd'hui, parmi tous les experts de l'enfance et de la petite enfance, ne défend l'intérêt d'écran avant trois ans"

Il y a quand même beaucoup d'enfants qui sont devant un écran avant trois ans et c'est une perte bien sûr importante pour tous les apprentissages qu'ils ont à faire et qu'ils n'ont pas le temps de faire parce qu'ils passent trop de temps devant l'écran.  

  • Un pictogramme systématique : "6" et "9" 

Serge Tisseron souhaiterait que soit la mise en place d'un pictogramme systématique pour préciser à quelle tranche d'âge s'adresse ce film.

"Il faut comprendre qu'aujourd'hui, la Commission de classification du cinéma (qui fait un travail formidable) ne légifère que sur les interdictions, c'est à dire 12, 16, 18 ans. 

Nous, ce que nous proposons, c'est que lorsqu'un film n'est pas interdit aux moins de 12 ans, il y ait une autre commission qui fasse des propositions ou simplement donne une information aux parents qu'un film peut être plus adapté au delà de 9 ans ou visible à partir de 6 ans. Donc, un film n'a pas d'interdiction, mais il a quand même des préconisations. [00:09:29][48.9]

  • "accompagné par un adulte"

Il faut bien comprendre que ce remplacement de l'interdiction au moins de 12 ans par "interdit aux moins de 12 ans, sauf accompagnement" est une mesure qui suivrait, qui viendrait après le fait qu'il y a une commission d'experts qui est fabriqué une grille permettant de mieux informer les parents sur la dangerosité possible d'un film 

Aujourd'hui, il y a très peu de films en France interdit aux moins de 12 ans, alors que beaucoup de films reste problématique pour des enfants de moins de 12 ans. 

S'il y avait une grille de référence (puisqu'il n'y en a pas aujourd'hui) pour savoir comment codifier les films et à quelle tranche d'âge les réserver, il y aurait beaucoup plus de films qui tomberaient dans la catégorie "interdit aux moins de 12 ans" 

La suite à écouter...

L'équipe