"Chicken Run" de Nick Park et Peter Lord (les studios Aardman), c'est pour Sonia Devillers, "le meilleur remède contre la grippe aviaire qui ravage à nouveau nos élevages" !
Disons au moins la meilleure campagne de sensibilisation. Parce que ces poulets-là, on les aime tant qu’on a tout sauf envie de les voir massacrés.
Si vous avez vu Chicken Run, vous savez de quoi je parle. Sinon, voici quelques arguments qui devraient vous clouer sur le canapé :
Primo, le doublage. Depardieu, Balasko, Lemercier, la haute voltige du cinéma français: cette catégorie d’acteurs qui savent habiter le burlesque.
Et puis, surtout, c’est la dernière fois qu’on a entendu Claude Piéplu au cinéma. Oui, le monsieur des Shadoks. Il prête ici sa voix à un plumitif de première classe, Isidore Poulard, ancien gradé de la Royal Air Force grâce auquel tout le poulailler prendra son envol à bord d’un zinc improbable.
Évidemment, le film d'animation de Nick Park et Peter Lord est plus qu’une pépite des Studio Aardman. Chicken Run est un conte philosophique hilarant et profond. En clair, merveilleusement écrit.
Du jour où Ms Tweedy industrialise sa fabrication de tourte au poulet, fuir devient une question de survie pour Ginger, Rocky, Bernadette et autres fortes têtes de cet élevage britannique. Seulement voilà, ces oiseaux-là ne savent pas voler. Et si tant est qu’ils arrivent à fabriquer un objet volant non identifié, encore faut-ils qu’ils s’autorisent à oser ce que la Nature, mais aussi l’homme, leur a toujours interdit.
Belle variation psychanalytique sur le vol au deux sens du terme, cette infraction qui défie la loi, le surmoi, et c’est élan de liberté qui défie la matière. Icare, je vous signale, a été puni pour moins que ça. Mais Icare nous l’a montré. Il n’est pas d’hommes qui rêvent de voler sans se déclarer l’inventeur de son vol. Or, notre bande de poulets que leurs ailes ratées clouent au sol doivent non seulement imaginer un moyen de voler, mais s’imaginer voler, le revendiquer, l’assumer, faire du vol et de la volonté de voler leur nouvelle identité. Au sein du règne animal, ça les fait changer de genre. Ça fait des trans-poulets. L’occasion de tergiverser, de caqueter et de bien se marrer avant de décoller.
► ALLER PLUS LOIN | Aardman, un art engagé, résolument ludique et complètement fou
L'équipe
- Chronique