La télévision est-elle sexiste, clientéliste, nationaliste, passéiste, exhibitionniste, météorologiste, impérialiste et ultra libérale ?
Oui, vous assénera Télérama. N’importe quoi, répondra Télé7Jours. Hélas, persiflera France Inter. Tant mieux, rétorquera Europe 1. Voilà, toutes les idées reçues sont soigneusement peignées pour la rentrée, celles qui concernent la télé, comme celles qui collent à la peau de ses commentateurs.
Vous mélangez le tout et secouez bien fort, ça donne une journaliste de France Inter (moi) parlant à la radio du livre d’un confrère de Télérama consacré à la télé. On devrait arriver, normalement, au maximum du dégueulis sur le petit écran.
C’est plus compliqué que ça. Ma vie au poste, de Samuel Gontier est publié demain aux éditions de la découverte. Cela fait huit ans que ce type n’a pas bougé de son canapé. Il a regardé et écrit. Regardé, regardé jusqu’à saturation du regard.
Regard saturé, précisément là où naissent les idées. Son ouvrage est un réquisitoire décapant. Mais ce n’est pas Gontier qui parle, c’est la télé. Il va vous immerger. Citer des séquences à longueur de page. De Familles en Or, de François Lenglet, de Joséphine ange gardien, de défilé du 14 juillet, de Stéphane Bern, de Grand Journal, de Koh-Lanta, etc…
Et soudain, c’est le choc des images et le poids des mots. Rien de scandaleux, là-dedans. Non, que des petites choses. Insignifiantes, perdues dans un flux cathodique ininterrompu. De ces mises en scène, de ces mimiques, de ces chiffres, de ces récurrences auxquelles on ne prête guère attention. Car notre regard à nous, il n’est pas saturé, il est mollement habitué. On ne voit plus, on n’entend plus. Mais sous la plume de Samuel Gontier, ces micros fictions télévisuelles se révèlent d’une violence idéologique ravageuse.
Apologie de la concurrence à tout crin, misogynie structurelle, écriture du roman nationale, docilité face au pouvoir, divertissement désespérément pompidolien, indécrottables clichés sur les étrangers et j’en passe. La télé est aussi capable d’intelligence, de rigueur et d’inventivité. Gontier ne relève que le pire. Un pire dilué dans le quotidien. C’est dommage. Mais la démonstration est à la hauteur de son ramage.
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