Moi qui trouvais la nouvelle programmation ciné de France 5 un peu mémère et confortable, je suis surprise !
Ce Conte d’été, c’est du Eric Rohmer. Cinéaste français peu diffusé sur le petit écran et dont la langue, le rythme, la direction d’acteurs constituent une forme irréductible à celles de la télévision. Quand vous regardez du Rohmer à la télé, vous n’êtes pas devant la télé et vous ne le serez jamais.
Rohmer a tourné un conte par saison. L’été sera celle des amours adolescentes à la plage. Nous voici donc confrontés à deux registres que l’industrie du divertissement prise particulièrement. La comédie sentimentale et le « teen-age moovie ». Or, voici en quoi, par nature, chez Rohmer, c’est résolument discordant.
Dans une comédie romantique américaine, inamovible caneva pompé par le cinéma et les téléfilms français, une nuée d’embuches sème le parcours des amoureux que tout empêche de tomber dans les bras l’un de l’autre. Les obstacles sont extérieurs à leurs sentiments.
La résolution - une déclaration, plus un long baiser – s’avère d’autant plus victorieuse. Tout le monde il est content. Moi, la première qui pleure à chaque fois. Chez Rohmer, les barrières sont à l’intérieur. Le héros, Gaspard – tout jeune Melville Poupaud – n’en finit plus d’hésiter entre trois filles et se prend sans cesse les pieds dans ses doutes.
Dans ce cinéma-là, il n’y a pas de dénouement, pas de résolution, mais un doute brouillon et permanent. Et c’est tellement juste quand on filme la jeunesse, l’âge des possibles. Oui, choisir, c’est grandir.
Les ados à l’écran. Dans tous les films de Rohmer, les acteurs parlent une drôle de langue, très écrite, à la fois simple et poétique, toujours très articulée. Là, ça donne des mômes de 16-17 ans qui passeraient par Musset ou Marivaux pour jouer leur propre sentiment. Alors comment expliquer que ce parlé si fabriqué sonne si juste et dise tout de la réalité ? Il suffit de regarder à la télé une série avec des djeuns. Conte d’été est sorti en 1996. Juste après 280 épisodes de Hélène et les garçons diffusés sur TF1.
A l’époque, le parlé jeune à l’écran ne ressemblait à rien. Ni à la poésie, ni à la vie. Il sonnait faux, il disait faux. Avec Rohmer, les mots étaient vieux, le verbe était frais. Il sonnait faux, mais il disait vrai.
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