Dans son livre La syndicaliste, la journaliste Caroline Michel raconte l'histoire de Maureen Kearney, responsable syndicale de haut niveau chez Areva, retrouvée chez elle ligotée et mutilée en décembre 2012, et accusée d'avoir simulé son agression.
- Caroline Michel-Aguirre Journaliste à L'Obs
La journaliste Caroline Michel-Aguirre revient dans La syndicaliste (éditons Stock) sur cet épisode vécu en 2012 par Maureen Kearney, alors secrétaire du comité de groupe européen d'Areva, une haute instance syndicale du groupe.
Guerre économique
On est alors en pleine guerre économique entre Areva et EDF sur la question du nucléaire, avec en arrière-plan un affrontement de nature plus politique entre Anne Lauvergeon, ancienne "sherpa" de François Mitterrand, et Henri Proglio, placé à la tête d'EDF par Nicolas Sarkozy.
Au centre de la querelle est l'accord qu'EDF voudrait passer avec les Chinois, qui impliquerait un transfert de technologies. Mais Areva et Maureen Kearney n'en veulent pas : "Les salariés sont à l'époque très inquiets, explique Caroline Michel-Aguirre. Anne Lauvergeon refuse ce genre d'accord, qu'elle trouve trop dangereux. Luc Ourcel qui la remplace, est pour, comme le gouvernement, comme Henri Proglio et Nicolas Sarkozy. Maureen Kearney s'en inquiète. Les plus hauts ingénieurs d'Areva étaient persuadés que les Chinois étaient en train de piller leurs technologies."
Maureen Kearney se bat contre cet hypothétique accord entre EDF les Chinois et devient la bête noire d'Henri Proglio puis de Luc Ourcel.
Violente agression
Un matin, on retrouve Maureen Kearney chez elle, traumatisée, un manche de couteau enfoncé dans le vagin, un "A" gravé sur son ventre. Problème, la police ne trouve aucun élément qui accrédite la thèse de l'agression. Pourtant, pour la syndicaliste, cette agression est liée à son travail. "Elle a reçu des menaces téléphoniques quelques semaines auparavant, raconte Caroline Michel, qui l'a rencontrée. Son agresseur lui a dit : "C'est le deuxième avertissement, il n'y en aura pas de troisième." Une suspicion s'installe, les gendarmes ne croient pas à la version donnée par Maureen Kearney, et pensent que c'est elle-même qui a mis en scène son agression.
Quatre ans après, un premier procès la déclare coupable. Durant son enquête, Caroline Michel-Aguirre a découvert "qu'il n'avait rien de nouveau, pas d'éléments objectifs, pas de reconstitution qui pourraient prouver qu'elle aurait pu, dans les conditions décrites, s'attacher les mains dans le dos." Deux éléments principaux posent question : les analyses ADN ont disparu et n'ont pas été versées au dossier.
Elle sera finalement relaxée en appel.
Un cas similaire
Dans son livre, Caroline Michel-Aguirre évoque une autre agression du même type qu'a subi la femme d'un cadre de Véolia, qui s'était opposé, dans une histoire de contrats similaire, à l'intermédiaire Alexandre Djouhri, proche d'Henri Proglio. Cette agression s'est déroulée exactement de la même manière. "C'est une piste qui n'a pas été suivie par les gendarmes, s'étonne la journaliste. Quand on regarde qui sont les intermédiaires derrière ces grands contrats, les mêmes noms reviennent, même si ça n'est évidemment ni une preuve ni une démonstration. J'ai découvert qu'il y avait des détails dans le mode opératoire extrêmement similaires entre les deux cas, ce qui nous ouvre tout un champ d'interrogation."
Aller plus loin
► LIRE - La syndicaliste, une enquête de Caroline Michel-Aguirre, publiée aux éditions Stock.
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