Sophian Fanen : "Les SUV sont des aberrations écologiques"

"Tueur du climat". Une activiste de Greenpeace perturbe le salon de l'automobile de Francfort (Allemagne), le 12 septembre 2019.
"Tueur du climat". Une activiste de Greenpeace perturbe le salon de l'automobile de Francfort (Allemagne), le 12 septembre 2019. ©Getty - Uwe Anspach / picture alliance / contributeur
"Tueur du climat". Une activiste de Greenpeace perturbe le salon de l'automobile de Francfort (Allemagne), le 12 septembre 2019. ©Getty - Uwe Anspach / picture alliance / contributeur
"Tueur du climat". Une activiste de Greenpeace perturbe le salon de l'automobile de Francfort (Allemagne), le 12 septembre 2019. ©Getty - Uwe Anspach / picture alliance / contributeur
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Ces voitures représentent 40 % du marché en France, et leurs ventes en Europe ont été multipliées par quatre en dix ans. Le journaliste Sophian Fanen publie sur le site Les Jours une série d'articles sur ces "bombes à retardement". Il est l'invité de Jacques Monin dans Secrets d'info.

Avec
  • Sophian Fanen Journaliste, co-fondateur du média en ligne LesJours.fr

Pour le site payant d'information en ligne Les Jours, le journaliste Sophian Fanen réalise une enquête sur les SUV (Sport Utility Vehicule). Ces grosses voitures sont aujourd'hui proposées par la plupart des constructeurs.

"Se protéger du monde"

Comment sont-elles arrivées à dominer le marché automobile ? "C'était un segment qui n'existait pas en Europe, explique le journaliste. Une sorte de nouvelle voiture est apparue : on a transformé les petites citadines et les berlines de ville en pseudo 4x4, en les rehaussant, en les faisant grossir et les alourdissant. On a donc inventé le SUV, une sorte de 4x4 sans vraiment être un 4x4, une espèce de gros monospace qui prend plus de place."

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Pourquoi les constructeurs ont-ils inventé cela et pourquoi se développent-ils autant? "Les constructeurs cherchaient l'après monospace, devenu un segment un peu vieillissant, analyse Sophian Fanen. C'est rentré en phase avec un besoin, pour les automobilistes, de se protéger du monde. C'est devenu la surenchère, avec des véhicules de plus en plus massifs."

Ces véhicules ont tout de même un gros défaut : ils consomment 10 % de plus qu'une berline classique. Pour le journaliste, c'est une aberration écologique au moment où, justement, il faut réduire la pollution automobile. "La question écologique est complètement secondaire dans la décision d'acheter ces véhicules. Ces voitures sont, d'après l'Agence internationale pour l'énergie, la deuxième source d'augmentation des émissions de CO2 dans le monde depuis 2010." 

"Les SUV sont en train de compliquer la quête vers des déplacements sobres. C'est un contresens absolument total." Sophian Fanen

Encouragés par l'extrême rentabilité de ces véhicules, les constructeurs ont dépensé plus de trois milliards d'euros pour en faire la publicité en France ces dernières années. Mais pour le journaliste, les SUV sont des bombes à retardement. "Aujourd'hui ces voitures sont neuves, mais dans dix ans, elles vont se retrouver sur le marché de l'occasion, achetées par des gens qui n'ont pas beaucoup d'argent, car il n'y aura plus que ça. Le problème, c'est que comme ces véhicules consomment plus, ils vont se prendre des malus écologiques. Les gens vont en souffrir." Sophian Fanen regrette le peu d'actions de la part de l'État pour contrer ce phénomène d'uniformisation du parc automobile.

Les SUV hybrides comme solution ?

Paradoxalement, peu de monde, même chez les constructeurs, défend le SUV. "Les constructeurs eux-mêmes sont devenus et SUV-dépendants, et cela leur pose énormément de soucis pour l'avenir", analyse le journaliste. Le 1er janvier 2020, les émissions de CO2 ne devront plus dépasser 80 g par kilomètre. Une amende de 95 euros par gramme dépassé est prévue. "La seule façon pour les constructeurs d'atteindre les objectifs européens de réduction de CO2 fixés d'ici 10 ans, et ainsi d'éviter des amendes de plusieurs centaines de millions d'euros, c'est de produire encore plus de SUV, mais hybrides, qui vont réduire la moyenne des émissions de CO2. Ils vont aussi arrêter la fabrication de petits véhicules qui se vendent moins, et moins cher."

Certaines municipalités comme Paris, Bruxelles ou Montréal réfléchissent désormais à l'idée de faire payer plus cher le stationnement aux SUV, des véhicules qui n'arrivent plus à se garer du fait de leur taille, et polluent plus les centre-ville, afin de contrer cette "aberration", à l'heure d'une politique de réduction des émissions de particules.

Aller plus loin

SUV qui peut, une série d'articles de Sophian Fanen, à lire sur le site Les Jours (lecture réservée aux abonné·e·s).

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