Parution d'un article sur les réactions de Total face au réchauffement climatique de 1968 à 2021 : Christophe Bonneuil historien des sciences, directeur de recherche au CNRS et co-auteur de cet article est l'invité du 6h20
- Christophe Bonneuil Historien des sciences, directeur de recherche au CNRS
Il y a 50 ans, Total savait déjà que son activité avait un impact sur le réchauffement climatique. L'historien Christophe Bonneuil, historien des sciences et directeur de recherche au CNRS, a pu consulter plusieurs documents, dont "un article qui se trouve dans la revue interne du groupe Total, dans lequel il y a une page qui lance l'alerte sur l'existence d'un possible réchauffement climatique, et qui dit qu'une augmentation de la température du globe est à craindre, qu'il faut envisager une fonte au moins partielle de la calotte glacière".
La dernière phrase dit que "les conséquences catastrophiques sont faciles à imaginer"
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Comment Total a réagi, à l'époque ? "C'est une période, entre 68 et 72, où la question du climat commence à émerger. En même temps, le choc pétrolier fait que la question est laissée de côté pour ne revenir qu'à la fin des années 70, avec un rapport important de l'académie des sciences aux États-Unis", raconte Christophe Bonneuil.
Dans les années 80, "où la science commence à devenir solide sur cette perspective, le groupe Elf et Total sont mis au courant de la gravité des choses dans les réunions internationales, notamment par des scientifiques de Exxon".
"Dans un monde merveilleux, on pourrait dire qu'à ce moment là les entreprises pétrolières jouent un rôle d'alerte publique. Ce n'est absolument pas le cas".
Au contraire, le rapport de 1985 appelle l'industrie pétrolière à "se préparer à se défendre". Résultat : "il y a deux discours", le premier en interne "où l'incertitude n'existe pas" et le second en externe où on a "minimisé la gravité du problème, jeter des doutes sur son origine humaine, et entrer dans ce que les historiens et sociologues appellent "la fabrique du doute"", explique Christophe Bonneuil, citant un document interne de 1993 qui appelle à "jouer sur les doutes scientifiques". La stratégie est pensée pour retarder les régulations publiques. Si l'on pensait que cette "fabrique du doute" venait avant tout des géants américains, cette étude montre que Elf et Total ont aussi participé à ce mouvement.