Patrice Spinosi, avocat au conseil d'Etat, spécialiste des libertés publiques, est l'invité de 7h50.
- Patrice Spinosi Avocat au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation
Aujourd'hui, en France, deux camps s'opposent : ceux qui défendent les efforts et les restrictions, et un autre camp qui pense que les libertés individuelles doivent être scrupuleusement protégées. "Il y a un débat fort dans la société : il y a-t-il une atteinte aux libertés individuelles : juridiquement oui, comme celle d'aller et venir, de disposer de son corps, et de refuser de se faire vacciner. Mais des atteintes il y en a tout le temps : ce qui est important c'est de savoir si elles sont proportionnées au regard du risque de sécurité publique, et c'est là que vont intervenir des juges, avec le conseil d'état ou le conseil constitutionnel".
L'avocat estime que l'équilibre, aujourd'hui, est là : "Ces magistrats se sont déjà prononcés sur des sujets très proches, la question vaccinale n'est pas neuve. La vaccination obligatoire a par exemple fait l'objet d'une décision du conseil constitutionnel en 2015 qui a validé cette extension obligatoire aux enfants".
La vaccination est juridiquement acceptable en l'état actuel de notre droit
Pour Patrice Spinosi, "il faut différencier l'obligation vaccinale pour les soignants et le pass sanitaire, qui ne sont pas la même chose. Le pass sanitaire, c'est l'obligation d'être soit vacciné, soit de présenter un test PCR. Quand le test sera payant, il n'y aura pas de vaccination obligatoire".
"Il y a une volonté de limiter, d'avoir un cadre : qu'à la marge il y ait des ajustements, c'est normal. Ce à quoi je ne crois pas, c'est un juge qui viendrait remettre en cause les principes de cette réforme : l'obligation de vaccination pour soignants ou le pass sanitaire".
Surveillance numérique : une restriction plus intrusive que l'obligation vaccinale
Est-ce le signe d'une société qui glisse vers le contrôle et surveillance généralisée ? "On a actuellement un projet de loi, sur la loi antiterroriste, qui est en train de mettre en place une surveillance numérique globale dans les mains du gouvernement et ça ça m'inquiète, il y a un risque considérable sur les libertés individuelles. Mais ça n'inquiète pas du tout les Français, parce qu'ils ne se pensent pas du tout confrontés à cette problématique-là. Oui, avec cette pandémie, il va y avoir des mesures pas seulement incitatives mais contraignantes, c'est vrai. Mais on est face à une menace sanitaire considérable, avec une recrudescence de l'épidémie : il faut réagir, et cette réaction, c'est le vaccin".
Est-ce que les Français ont pris l'habitude de libertés individuelles réduites? "Oui, à partir du moment où ils ne s'en rendent pas compte : aujourd'hui, on mettrait en place des dispositifs de surveillance extrêmement intrusifs avec la lutte contre le terrorisme, je pense que ça dérangerait très peu de personnes en France. En revanche, les Français ne sont pas prêts du tout à subir une contrainte".
Et il conclut : "Derrière la question de la vaccination nationale, il y a quand même la question de la solidarité nationale : la liberté des uns s'arrête là où commence la santé des autres".
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