Caroline Michel-Aguirre - Matthieu Aron : "Emmanuel Macron parle comme les consultants, il pense comme eux"

Caroline Michel-Aguirre et Matthieu Aron
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Caroline Michel-Aguirre et Matthieu Aron - Allary Edition
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Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, grands reporters à “l’Obs”, sont les invités de 7h50 pour leur livre "Les Infiltrés", publié chez Allary éditions.

Avec
  • Caroline Michel-Aguirre Journaliste à L'Obs
  • Matthieu Aron Directeur de la rédaction de France Inter

"Les infiltrés", ce sont les consultants qui ont pris, selon les auteurs de cette enquête, ont pris le contrôle de l'État et mis les ministères sous emprise. Matthieu Aron parle d'un "putsch rampant" et d'un "suicide assisté de l'État". Pourquoi est-ce si grave ? "D'abord parce qu'on n'est pas au courant, c'est un système qui s'est mis en place sur une quinzaine d'années : comment on a confié la stratégie, l'organisation, toutes les clés de la maison à des cabinets de conseil. D'une part, on ne le sait pas ; d'autre part, ces cabinets n'ont aucune légitimité démocratique. On ne va pas voter en avril prochain pour tel ou tel cabinet de conseil", dit le grand reporter.

Cette pratique est légale, mais elle a pris, selon Caroline Michel-Aguirre et Matthieu Aron, des proportions considérables. De très nombreux consultants venus de cabinets anglo-saxons, payés très chers pour conseiller sur les grandes orientations de l'État : "Ca coule dans toutes les failles de l'État : on découvre par exemple que quand on réorganise Tracfin, le service de renseignement économique de Bercy sur le financement du terrorisme, c'est un cabinet de consulting qui s'en occupe", explique Caroline Michel-Aguirre.

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"On ne peut plus rien faire sans demander son avis à un cabinet"

Olivier Véran reconnait avoir eu recours à des cabinets de conseil, mais minimise les montants d'une part, et assure d'autre part qu'à aucun moment les cabinets ne lui ont fait prendre une décision sur les masques, les vaccins, etc. "Amélie de Montchalin [ministre de la Fonction publique] ne connait pas le montant total des commandes aux cabinets. Nous l'avons estimé à un milliard et demi d'euros par an", soit l'équivalent du budget annuel de la Culture. La ministre a finalement avancé un chiffre de 145 millions d'euros sur deux ans, et la Commission d'enquête du Sénat parle de 620 millions par an. "Nous avons additionné le chiffre de la Cour des comptes et celui donné par les organisations professionnelles", dit Matthieu Aron.

"C'est extrêmement politique"

"Tous les politiques disent que c'est un appui technique, que c'est de la rigueur budgétaire et absolument pas politique", dit Caroline Michel-Aguirre. "C'est tout le contraire, c'est extrêmement politique : quand McKinsey dit, il y a deux ans, qu'il y a entre 20 et 25% de lits d'hôpitaux en trop en France, évidemment que c'est politique (...). C'est une vision de nos services politiques pour demain".

"Le macronisme, c'est du consulting"

Selon eux, ce recours aux cabinets a commencé dès Nicolas Sarkozy, mais a explosé dès 2017 dans la campagne d'Emmanuel Macron. "On a rencontré Alain Minc qui nous a dit qu'Emmanuel Macron parle comme les consultants, il s'habille comme eux, il pense comme eux. On cherche souvent à définir le macronisme : quelqu'un qui vend l'art mystérieux du changement, qui vous parle d'agilité, qui n'a à la bouche que le terme de modernisation, c'est un consultant. Le problème, c'est : au service de qui, de quoi ? C'est le problème des consultants, et ce sont des questions qu'on se pose vis-à-vis du macronisme"