Marianne Faithfull est l'invitée de Léa Salamé à 7h50, à l'occasion de la sortie de son nouvel album, intitulé "Negative Capability".
- Marianne Faithfull Artiste, comédienne, chanteuse, actrice
Vous dites “c’est le disque le plus honnête que j’ai fait”, est-ce que cela signifie que les vingt précédents étaient malhonnêtes ?
Non, les albums n’étaient pas malhonnêtes avant celui-ci ! Mais ce que j’ai fait, consciemment ou pas, c’est que j’ai toujours essayé de cacher un certain nombre de choses, plutôt que de révéler ce que j’étais. C’est ce qui me convenait à ce moment-là. Mais je n’étais pas malhonnête pour autant.
Qu’est-ce que vous aviez à cacher ?
Moi-même ! Je ne voulais pas que les gens me connaissent plus que ça, je voulais garder ma vie privée.
L'album s'ouvre sur ce titre, Misunderstanding, et sur cette phrase, "Misunderstanding is my name". En quoi l'incompréhension, le malentendu, est-il votre nom ?
C'était surtout parce que c'est une phrase qui me plaisait, je me disais que j'allais trouver une rime qui fonctionnerait. Je me mets dans la peau du personnage qu'est un malentendu. Et ce qui est merveilleux aussi, c'est qu'on pourrait appeler ce personnage "Miss understanding". Ça peut être tout et n'importe quoi.
Sur la pochette de l'album, vous tenez fièrement une canne dans votre main droite. Pourquoi avoir voulu la montrer ?
C'est une réalité ! Quand je vous parlais d'honnêteté tout à l'heure, c'est ça justement. Pourquoi devrais-je cacher ma canne ?
C'est pour montrer que vieillir, c'est aussi souffrir dans son corps ?
Pas forcément ! Je veux simplement montrer ce que je suis, et donc oui, j'ai besoin d'une canne pour marcher. Je trouvais que c'était bien, que ça me plaisait.
Vous avez un appartement à Paris, vous étiez ici le 13 novembre 2015, et les attentats du Bataclan vous ont inspiré une chanson dans laquelle vous écrivez : "Des bombes ont explosé à Paris, le futur est là". Le futur, c'est le terrorisme ?
Pour le moment. J'espère que cela prendra fin, mais pour l'instant, les choses ne se présentent pas bien.
Comment avez-vous vécu la nuit du 13 novembre ?
J'étais ici, et tout à coup les événements sont survenus. J'ai été profondément bouleversée, ça m'a profondément attristée, j'ai écrit la chanson dans la foulée.
Vous avez affirmé dans une interview au Monde croire que les nazis reviennent tous les 70 ans. Vous êtes vraiment catastrophique !
Je pense que c'est possible. Sous d'autres noms, bien sûr. On va les appeler "Etat Islamique", Theresa May ou Trump, tous ces gens abominables. Ce ne sont pas ces nazis qui ont pignon sur rue, mais ça ressemble à cela, tout de même.
Vous qui avez traversé une bonne moitié du XXe siècle, craignez-vous les temps que nous vivons aujourd'hui, avec la montée des populismes partout ?
Oui, j'ai peur. Je ne comprends pas le vote du Brexit, je pense qu'ils ont perdu la boule, et je suis bien contente de ne pas vivre en Angleterre.
Vous en avez marre qu'on vous parle de Mick Jagger et des Stones, alors pourquoi réinterpréter la chanson qui vous a révélée, As tears go by ?
C'était le moment, vraiment, pour le faire ; et c'est une chanson que j'adore. Je me dis aussi que je la comprends vraiment maintenant. C'est peut-être parce que justement j'ai vieilli et que je comprends mieux les choses maintenant. Et là, il n'y a pas de malentendu.
Vous dites "me présenter comme une muse des Stones plutôt que comme une musicienne à part entière, c'est une belle connerie"...
Je ne sais pas si c'était vraiment une bêtise. Après tout, chacun peut penser comme bon lui semble, mais c'est un peu une courte vue.
Est-ce que ce n'est pas aussi du sexisme ?
Effectivement, c'est un des rôles attribués par les artistes masculins aux femmes, "ma muse". En un sens, c'est sexiste. Je n'étais rien pour les Stones, j'étais la petite amie de Mick Jagger pendant quatre ans, c'est tout ! Et j'ai donné un coup de main et participé sur certains des titres, oui. Mais pour autant je ne me décrirais pas comme une muse.
Vous êtes dans la tête et le coeur des gens depuis 50 ans. Vous êtes, même si vous n'aimez pas le mot, une icône...
Ca ne me dérange plus, j'ai accepté le mot !
Qu'aimeriez-vous que l'on retienne de vous ?
Je ne sais pas. Peut-être mes paroles.
Quelle est la plus belle parole que vous ayez écrite ?
Je dirais The Gipsy fairy queen. C'est Puck qui parle, la petite créature du Songe d'une nuit d'été. Il dit "On me connait sous bien des noms, mon ami Will [Shakespeare] m'appelle Puck ou Robin Gai-Luron, et moi je suis la Gipsy Fairy Queen, et je suis la reine".
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