Mathias Enard : "L'Europe a envie d'Orient"

France Inter
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Son livre a selon lui pour but de réhabiliter l'Orient et lutter contre l'image simpliste d'un monde arabe fantasmé par l'Occident. Le vainqueur du prix Goncourt 2015 pour son Livre "Boussole" chez (Actes Sud) est l'invité de Léa Salamé.

Comment s’est passée l’après remise du prix ?

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La nuit a été courte, la soirée longue et la journée interminable mais on est lauréat, ce n’est pas rien. Il est huit heures moins dix et je suis sur France Inter, c’est une journée pas comme les autres qui commence...

Qui vous avez appelé en premier ?

Ma mère. Non je plaisante, ma fille. Je lui ai dit « ton papa a le prix Goncourt ». Elle n’a rien dit, elle était à l’école.

Ce n’est pas difficile d’être un orientaliste en France ? Vous ne vous sentez pas à contre-courant ?

Ça n'existe plus l'orientalisme, Léa Salamé. Je suis un héritier d’orientalistes. Il faut le dire parce que c'est vrai : il y a une vraie beauté de la langue, de la civilisation, du monde arabe. Nous avons toujours communiqué entre nos cultures.

C’est ce que raconte ce livre, c’est aussi une histoire d’amour passionné et contrarié. Le métissage qui faisait rêver les orientalistes du XIXème, aujourd’hui c’est un gros mot.

L’Europe a envie d’Orient. Peut-être que ce qu’offre la littérature c’est le temps du rapprochement, d’aller au-delà des flammes que nous offrent chaque jour les médias. Nous nous comprenons à demi-mots. Il est temps de dire nous participons à la même chose.

Quand vous voyez l’actualité, le repli identitaire, que le migrant qui était l’homme qui souffrait est devenu l’envahisseur, qu’est-ce que ça suscite ?

Personne ne peut être plus sensible que moi à la question des migrants, à la générosité de l’Europe. Qu’est-ce que ça veut dire d’un coup que nos portes soient fermées ? Ça veut dire qu’il faut les ouvrir en grand.

Nous sommes les premiers responsables de la situation en Syrie. Nous avons toujours tout su. Aujourd’hui nous disons, non nous n’avons rien à voir avec tout cela. Qu’est-ce que c’est les frontières de la Syrie ? Qui était aux commandes depuis 1917.

Si l’Europe existe c’est qu’elle s’est construite avec un rapport avec le Moyen Orient, avec l’autrui.

Votre livre c’est aussi le récit halluciné au crépuscule de sa vie qui repense à un ancien amour « Sarah » ? Vous avez voulu incarner l’Orient par une femme ?

Oui peut-être. Je ne sais pas si j’incarne quelque chose. Il me fallait une femme puissante. Le romanesque dans cette histoire d’amour. Dans cette actualité triste il faut un temps pour la passion.

C’est aussi le champ pour la décadence, un Orient qui n’existe plus. Votre Palmyre, votre Alep n’existe plus, vous avez voulu le fixer avec vos mots.

Malheureusement un roman ne changera pas grand-chose à cela...

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