

Le Grand entretien de France Inter prend la forme ce jeudi matin d'une discussions autour des mémoires de la guerre d’Algérie, alors que des préconisations viennent d'être remise par un groupe de travail à Emmanuel Macron.
Depuis juin dernier, des descendants de harkis, d'indépendantistes algériens, d'appelés du contingent, de membres de l'Organisation de l'armée secrète (OAS) ou encore de pieds noirs ont participé à des réunions autour des mémoires de la guerre d'Algérie. L'objectif est de trouver les bases d'une mémoire commune, apaisée, 60 ans après la fin de la guerre.
"L’idée était de transmettre la vision de la jeunesse, de mes frères et sœurs et cousins, de ce que devait être la France et de ce qu’elle représentait à nos yeux", explique Mehdi Boumendjel, petit-fils de l’avocat Ali Boumendjel, dont la mort en 1957 a été maquillé en suicide.
"On a compris que la génération précédente, celle de nos parents, était traumatisée", indique-t-il. "Il est trop tard pour eux, peut-être trop tard pour moi, mais pas pour les générations futures et c’est très important que cette histoire soit enseignée pour qu’on ne reproduise pas les mêmes erreurs."
Un discours "tourné vers l'avenir"
Il ressort en effet de ce groupe de travail "Guerre d’Algérie : regards de la jeune génération sur les mémoires franco-algériennes" plusieurs constats et préconisations, remises il y a une dizaine de jours à Emmanuel Macron.
L'une des propositions est un grand discours "qui reflèterait toutes les mémoires, qui les intégrerait dans un narratif d’ensemble, qui leur permettrait d’exister ensemble, sans être nécessairement fondé sur des excuses mais tourné vers l’avenir", indique le groupe de travail.
Un discours qui s'avère essentiel aujourd'hui, alors qu'on a "l’impression d’avoir plein de petits fragments différents de témoignages", estime Julia*, membre du groupe de travail et petite-fille d'appelés du contingent. "On a besoin que ce soit rassemblé dans une histoire complète."
L'enseignement, "un chantier prioritaire"
Dans les familles de ces membres de la "troisième génération", le sujet de la guerre d'Algérie n'est pas toujours simple à aborder. Le grand-père de Julia était "mutique", "c’était quelque chose qui était en lui et qu’il lui était impossible de partager".
Alors ces descendants se posent beaucoup de questions et n'ont pas pu trouver de réponses à l'école. "En termes d’enseignement, on n’a pas eu grand chose", souligne Linda*, dont le grand-père maternel était harki et le grand-père paternel membre du FLN. "On continue à se poser des questions mais on n’a que des témoignages personnels de nos parents et grands-parents."
Pour l'historien Benjamin Stora, auteur du "Rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie", "cette guerre est enseignée depuis une vingtaine d’années, après toute une bataille menée par les historiens" mais "on ne peut pas raconter cette histoire seulement par sa fin". Il faut selon lui parler aussi "du début, de la conquête, de la colonisation". "C’est un chantier à mon avis prioritaire", d'autant que cette question "est une sorte d’interpellation lancée par la jeunesse de France sur ces thématiques brûlantes" de la colonisation, tout comme de l'esclavage. "Il faut y répondre, il faut des enseignants, des programmes scolaires et des chantiers de recherches."
Le groupe de travail demande donc de délivrer un meilleur enseignement de la guerre d'Algérie, de prononcer un discours fort et réconciliateur et de mettre en place des lieux de mémoire en France et en Algérie. Toutes les propositions sont à retrouver sur le site Regards de la jeune génération sur les mémoires franco-algériennes.
* Elles ont souhaité ne donner que leur prénom
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