

Michel Duclos, ancien ambassadeur en Syrie, Isabelle Lasserre, spécialiste des questions internationales au Figaro, et Benjamin Haddad, directeur Europe du think tank «Atlantic Council », sont les invités du grand entretien de France Inter.
- Michel Duclos Ancien ambassadeur de France en Syrie, conseiller spécial à l’Institut Montaigne
- Isabelle Lasserre Correspondante diplomatique du Figaro, rédactrice en chef adjointe au service étranger du Figaro
- Benjamin Haddad directeur Europe à l’Atlantic Council (Washington)
La junte a décidé d'expulser l'ambassadeur français au Mali. La France y est présente depuis 2013, et environ 5 000 soldats sont encore sur place.
Expulsion de l'ambassadeur de France au Mali
"C'est un revers supplémentaire pour la France, il y en a eu d'autres avant et il y en aura d'autres après", analyse Isabelle Lasserre, ancienne correspondante en Russie, et auteure du livre "Macron, le disrupteur. La politique étrangère d’un président antisystème".
Il y a une poussée de la junte et des Russes pour chasser toute la présence internationale
"Au Mali il faut se retirer, mais il faut rester au Sahel. Et il ne faut pas se retirer n'importe comment. Il faut le faire en concertation avec nos partenaires régionaux et européens", estime de son côté Michel Duclos, auteur du livre "La France dans le bouleversement du monde".
"Il faut se redéployer vers le Niger et peut être le Tchad. Et surtout protéger les États côtiers du Sud, comme la Cote d'Ivoire et le Sénégal, qui vont se retrouver sous la pression djihadiste", poursuit-il. "Ce sont les mercenaires de Wagner, liés au régime Russe, qui aujourd'hui soutiennent cette junte et affaiblissent les efforts européens dans la lutte contre le terrorisme."
C'est un coup stratégique du Kremlin contre la France au Mali, il n'y a aucun doute" (Michel Duclos)
Quelles conséquences si la France se retire du Mali ? "Cela signifie que les groupes djihadistes vont avoir beaucoup d'oxygène. Et cette fois, on peut penser qu'il iront aux frontières, et non à Bamako. Donc il y aura une sorte de connivence [avec le pouvoir], et c'est particulièrement inquiétant", estime encore Michel Duclos.
Pour Isabelle Lasserre "les Français ne peuvent pas partir [du Mali]. La France est le seul pays européen qui ait la volonté politique et les capacités militaires de mener cette lutte qui menace les intérêts stratégiques de l’Europe."
Par ailleurs, "si la France se retire du Mali, elle entraine sûrement avec elle la défaite de la force Takuba" (union de forces européennes), "le symbole d'enfin un frémissement d'union de défense européenne."
La France a une responsabilité d'assurer la sécurité au Sahel.
"Au Mali, la France apprend pour la première fois, les limites de sa puissance. Pourtant, elle ne peut pas partir. Car si elle part, plus personne n'est là", conclut sur ce point Isabelle Lasserre.
Situation en Ukraine
Benjamin Haddad, directeur Europe du think tank "Atlantic Council" était présent ces derniers jours en Ukraine. Selon lui : "Les Ukrainiens attendent du soutien de la part de l'Europe et des États-Unis."
"La guerre dure depuis 2014", rappelle-t-il. "C'est un test très important pour l'Europe."
C'est parce que les Ukrainiens veulent se tourner vers l'UE que Vladimir Poutine y voit une menace.
"C'est tout l'ordre de sécurité européen que Poutine veut bouleverser avec cette menace."
Une guerre "n'est pas le plus probable" estime Michel Duclos, même s'il estime qu'"on ne peut rien exclure".
"Ce qui rend tout calcul difficile, c'est que Poutine aborde cette question sur un plan très émotionnel", estime-t-il, rappelant que son objectif depuis la fin de la Guerre Froide c'est de "reconstituer une sorte d'empire."
"Je ne pense pas qu'ils veuillent occuper l'Ukraine. Mais ils veulent la contrôler."
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Ce qui fait dire à Michel Duclos ensuite que "si on trouve un moyen de désamorcer cette crise, il y en aura une autre dans six mois, dans dix ans..."
Pour Isabelle Lasserre, Poutine teste "les capacités d'unité et de résistance" de l'Europe et de Joe Biden. "Vladimir Poutine n'a jamais prévenu qu'il allait envahir un pays, donc il serait assez étonnant qu'il le fasse aujourd'hui", de manière si visible.
La diplomatie d'Emmanuel Macron
Michel Duclos et Isabelle Lasserre dressent un bilan plutôt critique de la diplomatie menée par Emmanuel Macron.
"Emmanuel Macron n'a pas été très original dans sa relation avec la Russie. Il a fait comme tous ses prédécesseurs : arriver à l’Élysée avec une volonté de réchauffement des relations, et il termine son quinquennat, comme les précédents, avec des relations très mauvaises avec Vladimir Poutine, comme un constat d'échec", détaille-t-elle.
On a affaire avec Vladimir Poutine à un président très autoritaire, qui ne comprend que la force. L'Europe divisée n'a pas montré les muscles.
Elle nuance tout de même : "Emmanuel Macron n'a pas cédé face à Vladimir Poutine. Il a été beaucoup plus dur que l'Italie, que l'Allemagne."
Michel Duclos partage cette analyse. "Dans l'argumentation qu'il a donné, il a fait preuve d'une certaine naïveté, mais sur l'idée que la France doit parler à Moscou, il n'y a aucun doute : il faut le faire", estime-t-il.
Il conclut, après une question d'auditeur sur le Mali : "L'un des bons côté du revers au Mali, c'est qu'on va voir ce qui se passe quand on n'est pas là. On voit que l'opinion malienne n'est pas contre la Junte, il n'y a pas de manifestations."
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