Nathalie Loiseau : "Pour lutter contre le changement climatique, il faut un investissement européen massif"

Nathalie Loiseau
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Nathalie Loiseau ©AFP - Eric Piermont
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Nathalie Loiseau, tête de liste LaRem aux élections européennes, est l'invitée du grand entretien de Nicolas Demorand à 8h20.

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Vous opposez les partis nationalistes aux partis progressistes. Qu'est-ce qu'une Europe progressiste ?

On n'a pas essayé d’installer un match, il est là, malheureusement ! Je préférerais avoir au coude-à-coude des partis qui s'intéressent à l'Europe différemment de nous, et je déplore qu'ils soient si bas dans les sondages. La réalité, c’est qu’en face de moi, au coude-à-coude, il y a un parti qui veut déconstruire l’Europe. C'est le cas pas seulement en France : aux Pays-Bas sont aux coude-à-coude les progressistes du Premier ministre Mark Rutte et une extrême-droite extraordinairement violente, celle d’un dénommé Thierry Baudet. 

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L'Europe progressiste, ça veut dire qu’on n'a pas assez demandé à l’Europe. On a laissé l’Europe être un grand marché, un espace de paix, tant mieux, nous sommes reconnaissants de cet héritage. Mais aujourd'hui, l’Europe est fragile parce qu’elle n’a pas assez traité les injustices sociales à travers le continent, parce qu’en matière fiscale, elle n’a pas avancé d’un millimètre, parce que sur le plan de la sécurité elle s’en est remis pendant des décennies aux États-Unis, et aujourd'hui, il faut se réveiller : l’Amérique de Donald Trump s’intéresse à l’Europe surtout comme client, et surtout en la morcelant. Et même en matière migratoire, on n'a pas trouvé de solution européenne parce que les populistes n’en veulent pas, eux veulent vivre du problème. Une Europe progressiste, c’est une Europe qui fait revenir le progrès en Europe. Le progrès technologique, nos prédécesseurs ont accepté qu’il se passe ailleurs, en imaginant qu’on pouvait encore avoir une révolution technologique nationale. Ça n’existe pas, c’est en Europe qu’on aura la révolution technologique du XXIe siècle.

Vous faites une campagne contre, et pas une campagne pour. Est-ce que vous le regrettez ?

Ce que je regrette, c’est de ne pas pouvoir parler assez de mon projet. Ce que je regrette de cette campagne, c’est que ça a été beaucoup de petites phrases, de punchlines, et finalement, pour rentrer dans le projet, c’est plus compliqué. Beaucoup de partis politiques en France sont venus dans cette campagne parce qu’il y avait une élection, pas parce qu’il y avait l’Europe. Ce que nous proposons aux Français en Europe, c’est de redresser la tête, c’est de se dire qu'on peut construire un avenir meilleur, moins incertain, moins inquiétant, et que l’Europe peut nous y aider. L’Europe a été qualifiée de tous les maux pendant cette campagne, mais si on veut lutter contre le changement climatique, on a besoin d’un investissement européen massif, si on veut avoir les champions industriels de demain, c’est au niveau européen que ça va se passer, parce qu’en face les compétiteurs sont des continents : la Chine, les États-Unis, la Russie, l’Inde.

Comment expliquez-vous qu’une fraction importante de l‘électorat européen ne croie plus à ce que vous venez de dire, et croie même exactement l’inverse ?

Parce que très longtemps, des politiques nationaux se sont essuyés les pieds sur l'Europe, et très longtemps, ils ont cogéré l’Europe "à la pépère", une espèce d’Europe du statu quo. Or les défis dont on parle sont des défis pour lesquels il n’y a pas une minute à perdre. L’urgence climatique c’est tout de suite.

Vous mettez en tête des priorités dans votre livret programmatique l’Europe verte. Est-ce que c’est du green-washing, ou est ce que la liste Renaissance est aujourd'hui LA liste écologiste ?

S’il y a Pascal Canfin et Pascal Durand sur cette liste, si elle est soutenue par Daniel Cohn-Bendit, est-ce que cela ne garantit pas qu’il y a un engagement fort d'écologie de solutions ? C’est nous qui pouvons peser, c’est nous qui pouvons changer les choses, c’est l’écologie efficace. Nous allons former un groupe au Parlement européen, sans lequel aucune majorité ne sera possible. Ce que nous voulons faire, c’est secouer les vieux partis, et si cette priorité climatique et écologique monte dans un pays comme l’Allemagne, c’est parce que la CDU ne s’en est pas emparée, parce que l'Allemagne émet aujourd'hui deux fois plus de CO2 que la France car elle a des centrales à charbon, parce qu’il y a une jeunesse aujourd'hui partout en Europe qui a conscience qu’il faut agir tout de suite.

Est-ce qu’on peut dire qu’on est LA liste écologiste en ayant en quatrième position Jérémy Decerle, un ancien du syndicat Jeunes Agriculteurs, proche de la FNSEA ? 

Il partage tout ce qu’il y a dans le projet, il partage toutes nos convictions, tous nos engagements. Je ne vais pas faire de l'écologie contre ou sans les agriculteurs. On ne va pas diviser les Français entre les bons et les méchants, il faut trouver des solutions ensemble. Sur le glyphosate par exemple, nous sommes déterminés à en sortir en 2021. Pour le moment, il y a des solutions pour 90% des territoires en France. Qu’est ce qu’on fait avec les 10% qui restent ? On les punit? On leur dit tant pis, ruinez-vous, on vous laisse tomber ? Non, il faut accompagner tous ceux qui doivent sortir du glyphosate. 

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Yannick Jadot parle de votre tardif verdissement comme d'un opportunisme de fin de campagne afin d’assécher un certain nombre de réserves électorales, notamment chez les Verts, et il vous renvoie au bilan des deux premières années d’Emmanuel Macron. Que dites-vous aux écologistes anciens qui parlent de green-washing ?

Yannick Jadot a une conception patrimoniale de l’écologie. Il pense que l'écologie, c’est dans un seul parti, et que les électeurs qui se préoccupent de la planète lui appartiennent. Il devrait se réjouir qu’il y ait davantage de partis, notamment en France, qui prennent au sérieux l’urgence écologique. J'espère que Yannick Jadot, quand on fera des propositions au Parlement européen pour lutter contre l’urgence climatique, ne sera pas dans des postures en disant "Si ce n’est pas moi, je dis non"

Nicolas Hulot a quitté le gouvernement en disant "la politique des petits pas ne suffit pas, ne suffira plus, il n'y a pas de prise de conscience au sein de cette équipe politique". Il vous soutient ?

On se parle souvent ! Mais je ne parle pas à sa place…

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Au sein du groupe centriste que vous voulez refonder, l’ALDE, siège un parti tchèque, Ano, celui du Premier ministre Andrej Babis, oligarque, anti-immigration, soupçonné d’avoir détourné des dizaines de millions d'euros de fonds européens, la police tchèque veut même l’inculper. Vous allez faire le ménage ?

On a déjà fait le ménage sur ALDE Roumanie, un parti qui soutient un gouvernement qui encourage la corruption, empêche la lutte contre la criminalité et la corruption. J'entends Laurent Wauquiez et François-Xavier Bellamy se ruer dans les fake-news en disant que nous voulons que la Roumanie entre dans l'espace Schengen. Le président de la République a dit il y a deux ans que le moment venu, quand la Roumanie aurait répondu à tous les critères, qu’elle était bienvenue dans Schengen. Aujourd'hui en Roumanie, la corruption gangrène le pays, le gouvernement fait tout pour éviter la lutte contre la corruption, donc c’est non pour l'entrée de la Roumanie dans Schengen. Pour le parti tchèque Ano, il y a des soupçons contre le Premier ministre, il faut que la justice fasse son travail, s’il doit quitter le pouvoir, ce sera une affaire intérieure tchèque. Mais il y a une énorme différence entre un pays comme la République Tchèque, et des pays comme la Pologne, la Hongrie, ou la Roumanie. Aujourd'hui, en République Tchèque, la justice n’est pas menacée, la presse n’est pas menacée, les libertés ne sont pas menacées.

Vous faites du partenariat a géométrie variable ?

Non, je suis ferme sur les valeurs, et les valeurs en République Tchèque ne sont pas menacées. En revanche, quand les Républicains disent qu’ils vont continuer à travailler avec Viktor Orban qui muselle la presse et qui met la justice à sa botte , ils ne protègent pas la civilisation européenne. 

Cette situation de duel stérile entre le Rassemblement National et vous, est-ce que ce n’est pas la conséquence de vos erreurs de campagne ? Avoir nationalisé le scrutin dans une circonscription unique, ça menait forcément à cette polarisation ! Si Emmanuel macron est monté en première ligne comme il l’a fait, est-ce à cause de vos erreurs ?

S’il est monté en première ligne, c’est parce qu’il pense qu’il y a un danger pour l’Europe, il en est convaincu, et il veut que tout le monde l’entende. Jean-Luc Mélenchon a entamé la rentrée 2018 en déclarant que les Européennes seraient un référendum anti-Macron. Jordan Bardella et Marine Le Pen ont passé leur campagne à dire "On va mettre une claque à Macron". Ça donne le niveau du débat… Emmanuel macron devrait être le seul à ne pas répliquer à ces attaques ? Heureusement qu’il réplique !

Des auditeurs nous signalent qu’ils vont voter EELV plutôt que LREM car ils mettent en doute votre sincérité écologiste...

Peut-être que je ne suis pas une très bonne communicante, mais je suis dans la sincérité. Si je fais de la politique, c’est pour permettre à mes enfants de vivre sur une planète habitable ! Depuis deux ans, on a mis fin à l’exploitation et à l’exploration des hydrocarbures en France. On est le seul pays européen à l’avoir fait. On aide à la conversion vers les voitures et les chaudières propres. On met beaucoup d’argent dans l’isolation thermique des logements. Si on veut aller plus loin, il faut aussi le faire au niveau européen. La taxation du kérosène, par exemple, est indispensable mais infaisable dans un seul pays, parce qu’elle créerait une concurrence déloyale entre les compagnies aériennes. La taxe carbone à l’entrée sur le marché, on ne va pas la faire au niveau national… Et à la différence d’EELV, nous allons pouvoir peser au niveau européen ! Nous allons être le troisième groupe et mettre fin à cette espèce de cogestion entre la droite et la gauche traditionnelles. Ils vont devoir compter avec nous et avec notre priorité écologique.

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Vous vous revendiquez du libéralisme, trouvez-vous normal que des journalistes soient convoqués par la DGSI, comme notre consœur du Monde, Ariane Chemin, pour ses articles sur l’affaire Benalla, ou la cellule investigation de Radio France sur les ventes d’armes de la France au Yémen ?

Je ne connais pas l’objet de la convocation, je ne veux pas parler sans savoir sur cette question. Ma conviction, c’est qu'on a un devoir de vigilance extrême sur la protection des sources et de la liberté de la presse. Ce danger, il existe clairement en Europe, en Hongrie ou en Pologne où les journalistes sont menacés. Il y a eu l’an dernier deux journalistes assassinés dans l’Union européenne. Les extrémistes veulent la peau de la liberté de la presse. En France on a la chance d'être dans un État de droit.

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