Pr Guillaume Canaud : le médecin français qui a trouvé le remède contre le Syndrome de Cloves

Le docteur Guillaume Canaud ici en 2018
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Le docteur Guillaume Canaud ici en 2018 ©AFP - ALAIN JOCARD
Le docteur Guillaume Canaud ici en 2018 ©AFP - ALAIN JOCARD
Le docteur Guillaume Canaud ici en 2018 ©AFP - ALAIN JOCARD
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Depuis mi-avril, un traitement est commercialisé aux Etats-Unis pour lutter contre le Syndrome de Cloves. Une première ! À l'origine de cette découverte, un médecin français : le Professeur Guillaume Canaud officiant à l'Hôpital Necker. Il est notre invité.

Imaginez des centaines de milliers de bébés, d’enfants, d’adultes lorsqu’ils survivent, atteints du syndrome de Cloves, maladie qui fait gonfler démesurément certains membres ou organes. Au cinéma, dans l’imaginaire collectif, ça a donné « Elephant Man ». Imaginez un jeune professeur de médecine français, Guillaume Canaud, pas du tout spécialiste de la question, qui teste une molécule pour soigner le cancer sur un de ces patients. Ça marche ! Les agences américaines et européennes du médicament agréent son traitement. Normalement, il aurait fallu 20 ans. Récit d’une découverte faite par hasard.

Extraits de l'entretien

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Le syndrome de Cloves

Guillaume Canaud explique ce qu'est cette maladie : "Le Syndrome de Cloves peut avoir de multiples présentations cliniques. Il se caractérise par des malformations vasculaires, ou graisseuses, qui vont englober des organes. Elles peuvent être très localisées, et parfois très disséminées. Il existe des formes simples, mais aussi des formes sévères avec un organe complétement touché, ou l'ensemble du corps. On administre à ces malades des médicaments contre la douleur, parfois d'autres pour fluidifier le sang, des traitements antibiotiques, ou de la cortisone pour les poussées inflammatoires. Souvent, la seule solution est l'opération."

En 2015, Emmanuel, le patient qui a tout changé

Guillaume Canaud se souvient : "J'ai peut-être un peu changé sa vie. Mais Emmanuel a complètement transformé la mienne. Il est arrivé en 2015 à l'hôpital Necker-Enfants malades, dans le service où je travaillais. J'étais alors néphrologue. Emmanuel avait ce fameux syndrome de Cloves avec une maladie rénale. Sa pathologie était extrêmement sévère, très avancée. Et nous n'avions pas de traitement. Sa vie était menacée.

Avec une équipe de recherche, on a constaté que la mutation qu'il portait était fréquente en cancérologie. Elle s'appelle "gains de fonctions" : c'est lorsque les cellules grossissent, et se multiplient, trop vite. Cette mutation a été trouvée dans un tiers des cancers du sein et un quart des cancers du côlon. Je me suis dit que des industriels de la pharmacie devaient travailler à des médicaments pour bloquer cette protéine cancéreuse. J'ai fait un tour de tout ce qui existait. La molécule la plus avancée et la plus spécifiquement ciblée pour ce fameux gène muté, était une molécule développée par Novartis. À l'époque, le laboratoire terminait la première phase d'essais cliniques dans le cancer du sein, une étape précoce de son développement. Mais comme on n'avait plus d'autres choix thérapeutiques… On a discuté avec l'Agence du médicament française, et le laboratoire. Et on a essayé.

Emmanuel a ingéré cette molécule et le résultat a été spectaculaire. J'imaginais qu'au mieux cela réduirait la prolifération de ces cellules, que les tuméfactions grossiraient moins. Avant le traitement, on a fait beaucoup d'imagerie : scanners, IRM, et photos. Au bout d'une semaine, quand il est revenu nous voir, il m'a dit : "Regarde, il y a un truc qui est en train de se passer. J'ai perdu du poids, je commence à m'affiner, je suis un peu moins fatigué". On a repris des photos, on a comparé. Et, semaines après semaines, on a vu son corps se transformer véritablement."

Et depuis…

La revue de presse
6 min

Guillaume Canaud raconte les conséquences de ce premier essai prometteur : "Ensuite, on a refait en laboratoire à l'envers pour essayer de comprendre. On a testé sur 17 patients… Et on a publié le résultat dans la revue Nature… Cela a donné une grande visibilité à notre méthode. On a eu 4000 demandes de médecins et de patients du monde entier qui voulaient venir pour un diagnostic génétique."

Ensuite, est arrivée Ashanti. C'est une petite fille qui avait six ans lorsqu'elle est venue nous voir en 2018. Elle était paraplégique depuis 24 mois, avec une masse qui lui comprimait le dos. Elle avait été multi-opérée. Malheureusement, les opérations ne lui avaient pas permis de récupérer. Elle était donc hospitalisée à Saint-Maurice, un centre de rééducation au long cours. Elle vivait, incontinente et en fauteuil roulant. Mais les médecins avaient entendu parler de notre nouveau traitement et nous l'ont adressée.

On a débuté un traitement en octobre 2018. Il est très simple : ce sont cinq comprimés à prendre donc. Au bout de quinze jours, elle m'a dit qu'elle arrivait à bouger les orteils. Au bout d'un mois, elle s'est mise debout. Avec l'aide de sa maman, elle est sortie du fauteuil roulant. C'était très émouvant. Tout le monde pleurait dans le service quand on l'a vue se lever pour la première. Trois semaines plus tard, elle est venue sans fauteuil roulant, avec un déambulateur. Puis trois semaines encore après, elle est venue sans déambulateur. Début janvier 2019, elle marchait normalement. Maintenant, elle court, et elle saute. Elle a une vie tout à fait normale. Si vous la croisez dans la rue, vous ne pouvez pas savoir qu'elle est atteinte de cette pathologie.

Une recherche en vie réelle

Les États-Unis ont emboîté le pas tout de suite. À la fin de l'année 2018, on a commencé à discuter avec Novartis, voir comment on pouvait avancer et permettre un accès rapide à cette molécule aux patients d'un peu partout dans le monde. On a élaboré ce qu'on appelle un essai clinique de vie réelle. Donc on a proposé à l'agence américaine et à l'Agence européenne du médicament de collecter toutes les informations des premiers 57 patients traités dans le monde. Cette collecte a été analysée par une structure indépendante qui a validé ce que l'on avait observé. L'agence américaine a donné son feu vert."

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

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