Jenny Bel'Air : vie et mort du Palace

Jenny Bel'Air dans le 9h10 de Sonia Devillers, février 2023
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Jenny Bel'Air dans le 9h10 de Sonia Devillers, février 2023 ©Radio France - France Inter
Jenny Bel'Air dans le 9h10 de Sonia Devillers, février 2023 ©Radio France - France Inter
Jenny Bel'Air dans le 9h10 de Sonia Devillers, février 2023 ©Radio France - France Inter
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Depuis l’antiquité, on se déguise, on transgresse. Jenny Bel’Air est la reine de la transgression. Il y a 45 ans, ouvrait une boîte de nuit, le Palace. Elle en a été la gardienne. Un quinquennat dans les annales de la nuit parisienne. Et puis, vint 1983, le sida. Vie et mort du Palace.

Une créature de la nuit

Jenny Bel’Air vient d’une famille d’origine guyanaise par sa mère, son père lui, ressemblait à Gary Cooper. Ce métissage a donné naissance à un homme qui s’est fabriqué un personnage, une identité. Elle est devenue Jenny Bel’ Air et, à une époque où on n’utilisait pas encore ce mot, une créature : « C’était un terme qui était insupportable à entendre pour les gens. »

Les années Palace

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Le Palace a ouvert le 1ᵉʳ mars 1978, il y a 45 ans. Fabrice Emaere rénove à grands frais un théâtre. Pour lui, ça compte beaucoup que cette boîte de nuit soit un ancien théâtre, parce que c'est un endroit où on joue, où on se masque et où on se démasque : « Les gens venaient de tout horizon social, de province ou d'ailleurs, pour d’abord enfin pouvoir se libérer de leur sexualité, pouvoir s’assumer d’être gay, de porter une robe au lieu d'être martyrisé, jeté de leur famille qui ne pouvait pas assumer ça. » Car quand le Palace ouvre, l’homosexualité n’a pas encore été dépénalisée en France : « À l’époque, les petites boites avaient droit d’être ouvertes jusqu’à trois heures du matin. Il y avait souvent des descentes, tout le monde était fiché, ce n’était pas facile. »

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Les critères d’entrée au Palace

Pour son nouvel club, Le Palace, Fabrice Emaere a une idée, il veut que ce soit un mélange de punks et de bourgeois, de paillettes, de célébrités et de parfaits inconnus. Jenny Bel’Air avait pour rôle, en tant que physio, de décider qui peut rentrer et qui ne rentre pas : « Le premier critère, c’est l’esprit de fête. Ensuite, on regarde la personne et on sait rapidement qui vient par curiosité ou pour foutre le bordel, et puis il y a la canaille, les voyous de l’époque. Il faut un peu de tout. À l’époque, j’avais un look un peu Mama vaudou, ça pouvait faire peur à certains, au début du Palace, tout le monde pouvait rentrer même s'il y avait une sélection. »

« La drogue a tué la fête »

Pour tenir toutes ces nuits en tant que physio, Jenny Bel’Air avait sa petite "coupette" de champagne, mais jamais plus : « Je n’ai jamais touché à la drogue, j’ai trop vu les ravages que ça faisait. La drogue a tué la nuit et la fête, mais aussi beaucoup de gens. Voir de près des gens qui se détruisent à cause de ça, c'est terrible. Cette saloperie a toujours été pour moi une horreur. »

L’arrivée du sida

1983, c’est aussi l’année où on a donné un nom au virus du sida. C’était il y a 40 ans, et on a parfois du mal aujourd’hui à réaliser à quel point cette période a été intense et fulgurante : « Comment parler sans émotion de ces jeunes insouciants au départ en bonne santé, magnifiques, splendides. Petit à petit, ils vont quitter la fête ou quitter l'ambiance parce qu'ils sont crevés, fatigués, épuisés. Il y a cette rumeur épouvantable, le syndrome gay. Et tout de suite après, les gens disaient que c’était bien fait pour nous. Ce fut une épidémie atroce. C’était effroyable, il y avait une ambiance de génocide. Le Palace va donc subir, comme d’autres boîtes, le décès de proches et de milliers d'inconnus.

Au départ, les autorités restent les bras croisés, car ils sont dépassés par les événements. Et pour la majorité des gens de l'époque, c'était un péché. Ils avaient ce qu'ils méritaient. Combien de fois j'ai entendu le son du gravier des cimetières à cette époque. Ça a marqué profondément ma génération. »

Jenny Bel’Air tenait à dédier cette interview à Lucas, qui s’est suicidé à l’âge de treize ans, victime d’un harcèlement homophobe : « Il y a encore beaucoup de travail à faire parce qu'il y a encore cette espèce de mépris et de moquerie. Lucas est un martyr. »

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...

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55 min

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