

Ce soir, France 3 fête ses 60 ans de carrière avec un documentaire inédit "Sheila, toutes ces vies-là". La chanteuse est notre invitée, elle partage ses nombreux souvenirs de la fameuse époque des "Copains", comment la scène a été un magnifique instrument d'émancipation sociale.
Sheila a traversé toutes les modes, surmonté tous les drames. Ses 60 ans de carrière racontent une histoire française, celle de la génération du baby-boom dont il se pourrait que certains spécimens soient mieux dans leurs baskets aujourd’hui que quand ils avaient 20 ans. Ce n'était pas forcément mieux avant.
C'est quasiment un portrait de la France depuis l'après-guerre qu'on peut faire à travers cette carrière. Sheila, un portrait de la génération du baby-boom. Icône des années yéyé dont nous fredonnons ici et là ses titres à succès Vous les copains, je ne vous oublierai jamais, L'école est finie, Pendant les vacances, Écoute ce disque, Le folklore américain, Le cinéma, Bang bang.
À 21h ce soir, Sheila, toutes ces vies-là, un grand documentaire de presque 2h signé François Jougneau et Jean-Baptiste Erreca est consacré à sa brillante carrière, qui présente un mélange incroyable d'archives, de pépites, de sons, d'interviews. À voir sur France TV. Sans oublier qu'elle sera en concert le 12 novembre au Grand Rex.
Issue d'une jeunesse qui s'est affranchie en dévorant la vie
Elle fait partie de cette jeunesse qui allait s'émanciper, cette jeunesse soixante-huitarde qui allait contester, à une époque, on était encore fortement sous l'emprise de ses parents. C'était la fameuse époque des "Copains", celle qui a fait Mai 1968. Elle partage toute sa reconnaissance envers cette génération dont elle a fait partie et qui lui a permis de devenir la chanteuse qu'elle est aujourd'hui : "On sortait de nulle part puisque à l'époque, il faut se rappeler qu'on se couchait à 20h, on n'avait pas le droit de se lever à table. Avoir réussi à seulement 16 ans, durant cette génération, cette jeunesse qui consacrait sa propre émancipation sans vraiment se poser de questions. Nous y sommes allés avec notre cœur, nos envies quand bien même on s'est fait détruire par les adultes, par les parents, par le bruit de nos guitares. Mes 20 ans, je le ai dévorés ! C'est ce qu'on perd un petit peu aujourd'hui justement. À cette époque-là, tout le monde avait envie de manger la vie. On ne se posait pas de questions, quand bien même nous avions des défauts et faisions des erreurs, ce n'était pas grave.
Quand on disait "copains", on se retrouvait et réunissait tous naturellement, c'était la force de l'époque, on avait tous le même âge et on a simplement créé avec nos envies sans histoires. D'autant que j'ai eu la chance d'avoir des parents eux-mêmes avant-gardistes, qui m'ont apporté la plus belle école, celle du contact qui m'a beaucoup aidée quand j'ai commencé à chanter. J'ai avant tout réalisé le rêve d'une enfant grâce au soutien de mes parents et je leur serai toute ma vie reconnaissante parce qu'il en fallait du courage à ma mère durant les années 60 pour dire à une directrice d'école que je voulais arrêter l'école pour devenir chanteuse, qui n'était pas un métier raisonnable à l'époque pour une jeune fille de mon âge ".

Les années Disco : l'émancipation sur scène
"J'ai décidé de me prendre en main et de foncer !"
Durant ces années de disco, elle a véritablement repris ses droits sur son corps, sur sa vie, sur sa vie sexuelle notamment après avoir divorcé, puis quitté son mentor, le compositeur, parolier et producteur Claude Carrère qui, raconte-t-elle, " était complètement inhumain" et lui avait fait beaucoup de mal dans sa vie de femme*.* Elle explique qu'elle "a dû reprendre sa vie en main, les gens que j'ai rencontrés à ce moment-là m'ont aidée à m'émanciper et m'ont donné la force de ne rien en avoir à foutre. C'était une question de survie pour moi-même. J'ai quitté une petite routine bien rangée, pour aller vers l'inconnu, et c'est ce qui fait que je suis encore là 60 ans après ".
Petit à petit, on arrive aux années 1970, aux années disco ! Et en 1971, elle reçoit le prix de la chanson antiraciste pour "Blancs, jaunes, rouges, noirs", l'occasion de rappeler au micro de Sonia Devillers combien elle avait toujours tenu à s'engager publiquement, sur scène, dans la lutte contre le racisme. Être cette blonde en short à paillettes au milieu de danseurs noirs, cela lui avait attiré les critiques les plus abjectes. C'était déjà une image politique très forte. Elle se souvient que "le disco a été la libération d'une génération de personnes qui ont vécu cachées pendant des dizaines d'années, et qui ont enfin choisi d'exister au grand jour, qui ont revendiqué leur différence. Et moi, j'ai toujours lutté contre le racisme. Je me suis fait laminer au point que j'ai des portes qui se sont fermées à moi parce qu'à l'époque, c'est quelque chose qui n'était pas admis. Pour eux, je n'étais qu'une blonde avec trois Noirs. Et je trouve tellement invraisemblable qu'on puisse, à notre époque, encore perpétuer ce genre de choses. Je suis tellement fière d'avoir mené ce combat. D'ailleurs, il y a 5-6 ans, dans une soirée, en allant chercher ma bagnole dans un parking, un groupe de jeunes sont venus vers moi pour m'embrasser en me remerciant pour avoir été la première à combattre le racisme sur scène".
Un amour inconditionnel pour la scène et le public
C'est une relation amoureuse profonde qu'elle entretient depuis toujours avec la scène, un rapport très charnel et très tumultueux dont elle ne pourrait jamais plus se passer : "la grande chance que j'ai, c'est cette relation que je partage avec ce public avec lequel j'ai partagé mes malheurs, mes bonheurs, mes histoires, mes doutes tout en les mêlant avec les leurs, ça ne s'effacera jamais. C'est 60 ans de partage, de bons moments, de foutus quart d'heure, de chansons et ça s'étend au-delà des chansons. C'est une relation humaine très profonde. Je le dois aux gens qui restent là et qui continuent à venir me voir".
C'est ce qui nourrit ses convictions et sa vision du bonheur aujourd'hui :"il n'y a pas d'âge, on peut encore prendre du bonheur, partager des moments, être heureux ensemble, rire, chanter, sourire. Ça n'a pas de prix. C'est au-delà de tout ce qu'on peut gagner, de toutes les récompenses. Ma réussite est là, être capable, après 60 ans, à l'âge que j'ai, de me dire que la scène est toujours là, qu'on est toujours capable de pleurer, de rire ensemble, de chanter ensemble. Ça vaut tout l'or du monde. C'est ce qui me tient debout, ce qui me fait avancer en tant que femme, en tant qu'être. Ma vie est dédiée à donner du bonheur aux gens sur scène et partager avec eux des instants qu'on ne trouvera nulle part ailleurs, où on est coupés du monde".
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