Antoine Compagnon : "On est sidérés de cette accumulation" d'anglicisme dans la communication institutionnelle

Franglais et les anglicismes
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Franglais et les anglicismes ©Getty - atakan
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Respectivement linguiste, maîtresse de conférence à Sorbonne Université, et écrivain et critique littéraire, Julie Neveux et Antoine Compagnon sont les invités de Jérôme Cadet et Carine Bécard pour débattre sur le dernier rapport de l'Académie française.

Avec
  • Julie Neveux Maîtresse de conférences en linguistique à Sorbonne Université
  • Antoine Compagnon Professeur au Collège de France depuis 2006, titulaire de la chaire de Littérature française moderne et contemporaine

L'Académie française a adopté mardi un rapport dénonçant la confusion due à l'abondance d'anglicismes dans la communication institutionnelle, et le risque "d'une perte de repères linguistiques". Intitulé "Pour que les institutions françaises parlent français", le rapport d'une trentaine de pages a été rédigé par une commission ad hoc, composée de six académiciens.

L'Académie, gardienne de la langue de Molière, décèle "une évolution préoccupante", à savoir une "envahissante anglicisation". Selon elle, "nombre d'anglicismes sont employés en lieu et place de mots ou d'expressions français existants avec pour conséquence immanquable l'effacement progressif des équivalents français". "Follower" serait par exemple trop souvent privilégié face à "abonné, mais aussi adepte, ami, contact, fan, suiveur", détaille-t-elle.

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Antoine Compagnon, écrivain et universitaire, l'un des grands spécialistes de la littérature française et de l'œuvre de Marcel Proust, élu à l'Académie française jeudi :

"J’ai pris connaissance du rapport hier samedi. Le bilan est extravagant et extraordinaire. Le rapport fait trente pages. Les vingt premières, c’est une liste de monstruosité que l’on appelle communication institutionnelle. On est sidéré de cette accumulation. J’avais l’impression de me retrouver dans un film de Tati. Ces anglicismes, c’est ridicule. Pendant des années, j’ai fait mes réservations pour le train sur un site qui s’appelle Ouigo. C’est un très mauvais jeu de mots. Ils ont changé pour SNCF Connect. Pourquoi changer ce nom ? Ça paraît bête."

Julie Neveux, linguiste à la Sorbonne université et dramaturge, normalienne, auteure de "Je parle comme je suis : enquête linguistique sur le 21e siècle" (Grasset) et "La grammaire enfin rendue à la vie" :

"Le discours publicitaire promotionnel qui n’est pas du tout représentatif de la façon dont on se parle tous entre nous. Dire qu’utiliser des mots étrangers serait le signe d’un appauvrissement ou d’une menace, c’est faux. C’est un signe de vitalité. Une langue qui est capable d’absorber des mots étrangers, ça veut dire qu’elle est vivante. Tout le problème à l’Académie française, c’est que sa mission est impossible."

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