

Ce matin, nous recevons Nicolas Mathieu pour "Connemara" chez Actes Sud.
- Nicolas Mathieu Ecrivain
Hélène est née dans une petite ville de l’Est de la France. Elle a fait de belles études, une carrière, deux filles et vit dans une maison d’architecte sur les hauteurs de Nancy. Elle a réalisé le programme des magazines et le rêve de son adolescence : se tirer, changer de milieu, réussir.
Et pourtant, à bientôt quarante ans, le sentiment de gâchis est là, les années ont passé, tout a déçu.
Christophe, lui, vient de dépasser la quarantaine. Il n’a jamais quitté ce bled où ils ont grandi avec Hélène. Il n’est plus si beau. Il a fait sa vie à petits pas, privilégiant les copains, la teuf, remettant au lendemain les grands efforts, les grandes décisions, l’âge des choix. Aujourd’hui, il vend de la bouffe pour chien, rêve de rejouer au hockey comme à seize ans, vit avec son père et son fils, une petite vie peinarde et indécise. On pourrait croire qu’il a tout raté.
Et pourtant il croit dur comme fer que tout est encore possible.
"Connemara" c’est cette histoire des comptes qu’on règle avec le passé et du travail aujourd’hui, entre PowerPoint et open space. C’est surtout le récit de ce tremblement au mitan de la vie, quand le décor est bien planté et que l’envie de tout refaire gronde en nous. Le récit d’un amour qui se cherche par-delà les distances dans un pays qui chante Sardou et va voter contre soi.
"Connemara" a paru chez Actes Sud.
+ Jérôme Fourquet, analyste politique et travaille à l' IFOP. Il est l'auteur du livre "L'Archipel politique" aux éditions du Seuil.
La Bande Originale de Nicolas Mathieu
- 1995 The Doors "Roadhouse Blues"
- 2000 Gossip "Heavy Cross"
- 2014 Kavinsky "Nightcall"
- 2018 Nirvana "Smells like teen spirit"
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Extraits de l'entretien
Le Goncourt pour son livre précédent Leurs enfants après eux
Comment se remettre à écrire après un prix prestigieux ?
Nicolas Mathieu : "Les livres sont tous difficiles à écrire. Le plus dur est le deuxième. Et après le Prix Goncourt, on se sait attendu au tournant. On se dit qu'on ne pourra peut-être jamais faire mieux. On se pose la question de comment pousser son effort plus loin.
La suite du Goncourt est une tournée Miss France à travers le pays et le monde.
On mange beaucoup de saucissons, on en prend des kilos… C’est d’ailleurs ce que je me suis dit quand je l’ai eu : je ne vais pas pouvoir écrire pendant un an !"
L’écriture : du travail
"L'inspiration ne tombe pas du ciel. Et je n'ai jamais envie d'écrire. Mais l'écriture est ce qui donne sens à ma vie. Mais écrire suppose de la discipline, de la disponibilité, et de se faire un peu mal pour arracher des mots au vide. Au début, il n'y a rien. Puis, une fois qu'on a déroulé l'histoire, que les personnages se sont épaissis… Une phase peut-être moins ennuyeuse débute : celle de la réécriture. Là, on affine, on consolide.
C'est comme si vous aviez un flan et que vous en faisiez le pont de Tancarville."
Connemara, un titre trans classes sociales
"On passe notre vie à accumuler des petits capitaux, de l'argent, de l'énergie. On va au fitness, on travaille… Et puis, il y a des moments où on écoute Connemara. C'est de la dépense pure.
Cette chanson nous est commune et en même temps selon qu'on l'écoute dans des mariages ou où la fin d'une fête de grande école de commerce, ce n'est pas le même monde. On ne l'écoute pas au même degré."
Une chanson qui passe dans toutes les classes sociales
"Un livre est toujours un mille-feuille de signes, de petits repères, de clins d'œil, de sens… Et ce titre disait déjà quelque chose. Et puis, il témoigne aussi de la volonté de faire un livre épique sur des choses moyennes. Parce que Sardou sait très bien faire de l'épopée pour les classes pavillonnaires.
Il y avait une sorte de jubilation de mettre derrière un titre de Michel Sardou sur un livre de littérature après avoir reçu le prix Goncourt."
Les consultants
"Hélène travaille dans une boite de consultants. J'ai passé beaucoup de temps dans des entreprises à faire des procès-verbaux de réunions. C'était ça ma vie. Dans le public, ou dans le privé, je voyais ces petits hommes bleus arriver avec leurs slides et leurs ppt (powerpoint), pour organiser des réorganisations. Aujourd'hui, le sujet défraie la chronique. Comment l'État sous-traite-t-il son fonctionnement ? Comment par angoisse de ne pas bien faire, il donne le travail à faire à des prestataires à prix d’or. Or sous couvert d'économies, il dépense beaucoup plus.
Le cynisme existe dans tous les jobs. Tout le monde parle de son travail avec un peu d'ironie, J'ai essayé de faire un portrait satirique, mais juste de cette profession de consultant.
Ce métier constitue un point d'intensité presque maximal de l'esprit du temps : la recherche maximale de l'efficacité, l'enfermement dans des formes de langage comme "impacter", "implémenter", etc. Puis comment cette profession est passée de l'économie au secteur privé, au dans le secteur public, puis maintenant au sommet de l'Etat.
Ces manières de penser le monde, d'envisager les activités professionnelles sont devenues presque universelles. Et puis, comme la littérature le peut, on s'en moque et on s'en venge !"
De la colère
"Là, je suis en bonne compagnie, mais quand j'étais dans le monde de l'entreprise, j'ai subi ces gens qui vous expliquent votre métier, ces personnes qui, en trois slides pensent refaire le monde. Ce pouvoir managérial s'exerce sans que vous ne puissiez répliquer.
On vous enferme dans des formes de pensée, de langage qui ne vous laissent pas d'autres choix que d'abonder dans ce sens. Cela produit de la colère, un désir de meurtre, et de ferrailler. En tout cas, et il y a, il y a dans ce livre un ton sarcastique qui essaye de planter des coups de couteau."
La suite est à écouter...
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