"Une pour toutes", de Jean-Laurent Del Socorro, est un roman historique inspiré d'une histoire vraie, qui parle d'escrime et surtout d'une escrimeuse !
Elle s’appelle Julie d’Aubigny et l’auteur la qualifie plus volontiers de « bretteuse », un terme ancien qui désigne une personne qui aime se battre à l’épée. C’est le cas de Julie, une jeune fille qui a grandi à Versailles avec son père, secrétaire dans les écuries royales sous le règne de Louis XIV.
Julie est très différente des jeunes femmes de l’époque ; elle aime les duels, s’habiller en homme et par dessus tout, elle chérit une liberté qu’elle s’apprête à perdre, puisque le roman s’ouvre le jour de ses 18 ans. Elle est donc en âge de se marier, et on peut dire que cette idée ne la réjouit pas du tout…
Extrait :
Je m’approche d’un des chevaux pour en flatter le chanfrein. Il me dévisage d’un air triste.
*- Nous nous comprenons, toi et moi, n’est ce pas ? Car, enfin, nous sommes tous deux la propriété d’un maître. Le tien s’appelle cavalier ; le mien est l’homme dont je dépends : aujourd’hui mon père, et demain mon mari.
*Je ferme les yeux et plaque mon front contre lui. Si j’osais, j’arracherais les rênes à celui qui les tient, puis j’enfourcherais l’étalon. Nous galoperions ensemble, loin de Versailles, loin de Paris, loin de tout, sans rien peut-être, mais tout à fait libres.
Vous l’avez compris, Julie est farouchement attachée à sa liberté et il faudra plus qu’un mariage arrangé pour l’empêcher de faire ce que bon lui semble ! La voilà donc très vite partie sur les routes de France, fuyant le lieutenant général de police de Paris après un duel qui a mal tourné.
On est en 1688 et pendant sept ans on va suivre les aventures de cette jeune femme au destin extraordinaire.
Mais il faut savoir que Julie n’est jamais tout à fait seule pendant ses aventures : elle collectionne les amants et les maîtresses, mais elle est aussi toujours accompagnée d’un personnage plutôt étonnant : le diable Méphistophélès, le diable du célèbre conte de Faust.
Pour rappel, l’histoire de Faust est l’une des plus célèbres de la culture populaire allemande et a donné lieu à de nombreuses adaptations. Le docteur Faust y signe un pacte avec le diable Méphistophélès, qui lui offre une vie de plaisirs en échange de son âme.
Dans Une pour toutes, Jean-Laurent Del Socorro imagine qu’avant de rencontrer Faust, le diable a d’abord passé quelques années avec Julie.
Lui fait-elle signer un pacte ?
Il essaye mais à chaque fois elle refuse et s’en sort très bien toute seule ! Finalement, une amitié forte va naître entre Julie et Méphistophélès. Ils ont tous les deux beaucoup de répartie et leurs échanges sont donc toujours assez vigoureux !
Extrait :
- Le jeune homme, là-bas, l’avez-vous vu, Méphisto ?
- Qui ça ? Oh, ce grand échalas ? Non, je ne l’avais pas remarqué.
- Pourtant, vous faites en sorte que je sois dos à lui à chacun de nos assauts. À croire que vous voulez que je ne le regarde pas.
- Pourquoi m’intéresserais-je à un individu aussi quelconque ?
- Belle taille, bonne mine, joli sourire et muscles souples. Moi, il me plaît bien.
- Je ne vois vraiment pas ce que vous lui trouvez. Il doit bien respirer, c’est sûr, avec de telles narines.
- C’est un des prévôts de cette salle. Son grand nez ne l’empêche donc pas de savoir manier l’épée.
- Pas aussi bien que moi, j’en suis certain.
- Méphisto, seriez-vous jaloux ?
- Moi ? Ridicule. Je regrette simplement qu’en venant ici, rue Gît-le-Coeur, ce soit le vôtre que je doive ramasser. Voilà maintenant que vous allez conter fleurette à ce bellâtre insignifiant.
- Erreur, Méphisto. Je vais lui conter fleuret.
De manière générale les dialogues sont très travaillés et les références au théâtre sont nombreuses : le récit adopte un découpage en cinq actes, qui commencent à chaque fois avec un dialogue en alexandrins. Mais je vous rassure, c’est très accessible, l’auteur a une très belle plume qui réussit à nous plonger dans l’atmosphère du XVIIe siècle tout en étant très fluide.
Les plus du roman
En fait on la suit pendant cette période charnière du passage de l’enfance à l’âge adulte, durant laquelle elle va connaître la passion, l’amour, les plaisirs de la vie mais aussi des moments plus douloureux ; en résumé, elle grandit !
"Une pour toutes", de Jean-Laurent Del Socorro est paru à L'Ecole des loisirs
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