André Manoukian nous révèle comment les modes majeur et mineur permettent de retranscrire nos sentiments en musique...
En Occident, pour exprimer, nos sentiments en musique, nous avons deux modes, le majeur et le mineur. Il est convenu de dire que le majeur exprime la joie, et le mineur la tristesse. Où est la frontière ? Une toute petite note, la tierce. Selon qu’elle soit entière ou diminuée d’un demi ton, ça change du tout au tout, on passe du majeur au mineur...
Là, tout va bien pour moi, je viens d’envahir la Pologne, ou le haut Karabagh, je suis super gai…
Là, je suis triste, je suis de l’autre côté, je me suis fait envahir…
Vous voyez la différence. Un tout petit demi ton et on passe du camp des winners à celui des loosers. Bien sûr, c’est plus romantique d’être un looser… Quand on est musicien, spontanément, on a tendance à aller vers le mineur, comme si on voulait confier sa peine à son piano.
Beethov quand il s’est fait larguer par une comtesse, a écrit ça : (Arpège mineur au piano…) Elle serait restée avec lui sa comtesse, il aurait fait ça : (Arpège majeur au piano). C’est naze, on est d’accord, elle a bien fait de le quitter Ludwig, on serait passé à côté d’un chef-d’œuvre…
En Orient, c’est pas deux modes qu’on a pour exprimer ses sentiments, c’est …. Cinquante !... C’est pour ça que c’est le bordel tout le temps là-bas, cinquante nuances de grec ! (comme dirait mon copain Jul, pas le rapeur, l’autre, celui qui fait des bédés philosophiques…)
Mais non seulement on a cinquante gammes, mais en plus on mélange le majeur et le mineur, ça fait du mijeur.. Écoutez, là je joue majeur… Mais pour aller à la tierce, je passe par la seconde bémol…
Ça va je suis bien, mais une bricole va m’arriver.. Et là je suis mineur, mais qu’est ce que ça fait du bien quand ça va pas… L’extase de la mélancolie. C’est comme ça qu’on embrouille les serpents aussi.. Le serpent il dit, ça va ou ça va pas, ça va ou ça va pas ?
Pour les rythmes c’est encore pire… Nous en Occident, on a deux types de rythmes, binaire et ternaire. Eux , ils ont tous les chiffres impairs… Un tip : Faut décomposer : 5 temps …… 7 temps …. 9 temps …..Je joue Blue rondo à la turc de Dave Brubeck…
Je me suis toujours demandé pourquoi Brubeck avait appelé ce marceau à la turque. Parce que c’est ainsi qu’on nomme tous ces rythmes impairs… C’est dur à dire pour un Arménien, mais ça peut servir de psychanalyse… Bed avec l’Intro du morceau…
Allez, pour finir, on écoute une chanteuse pianiste Arménienne formidable, Macha Gharibian. Elle est la fille de Dan Gharibian, le chanteur de Bratsch, pour son troisième album, elle vient d’être élue meilleure révélation aux victoires du jazz, sa chanson est une déclaration d’amour, c’est un berger qui dit à sa bien-aimée, je te cueillerai tous les œillets de la montagne, à quoi elle répond viens plutôt avec le feu de ton amour. Alors il lui répond, quand ton regard se porte sur les étoiles, elles brillent d’un plus fort éclat… Non ils savaient parler ces gars dans le Haut-Karabagh…
On retrouvera Macha Gharibian dans un concert spécial diffusé sur Dailymotion le 27 novembre à 20h30 au profit des rescapés des réfugiés arméniens, en compagnie de nombreux autres artistes, y aura même un célèbre joueur de cymbales qui sévit dans cette émission, n’est-ce-pas Ales Vizorek…
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