

Depuis 2013, les deux leaders n'avaient pas de mots assez durs l'un pour l'autre. Dimanche ils se sont serrés la main en public et en marge de la Coupe du monde à Doha. Un résultat diplomatique spectaculaire auquel le jus de mangue n'est pas étranger...
Votre histoire du monde concerne une poignée de main ! ... entre le Turc Erdogan et l’Égyptien Al-Sissi... et c'est un choc en Turquie !
Un choc qui suscite un flot ininterrompu de commentaires sur le thème : comment est-on passé d’années de haine entre les deux leaders à cette poignée de main spectaculaire en marge de la cérémonie d’ouverture de la Coupe du monde de foot au Qatar ?
Depuis neuf ans, Erdogan a fait de son opposition au président égyptien un élément identitaire fort, traitant Al-Sissi de « dictateur », voire d’« assassin », allant jusqu’à accueillir ostensiblement sur le sol turc les Frères musulmans pourchassés en Égypte.
Ça va même plus loin : Erdogan ponctuait jusqu’à présent tous ses meetings de 4 doigts levés, en hommage au massacre d’août 2013 de la place cairote Rabia-El-Adaouïa où un millier de manifestants avaient été tués par le régime putschiste d’Al-Sissi.
Et donc ? Comment en est-on arrivé à cette poignée de main
On commence enfin à avoir les détails et… tout commence par du jus de mangue. Je ne plaisante pas : la presse turque va même jusqu’à évoquer une « diplomatie du jus de mangue ». L’histoire est la suivante :
Dans tout le monde arabo-musulman, le jus de mangues égyptien est célèbre pour sa qualité. Or, depuis des mois, le président turc en sert à ses ministres avec ce commentaire : « Al-Sissi m’en envoie par caisses entières dès qu’il en a l’occasion ».
La rencontre de dimanche dernier aurait donc d’abord été préparée, que dis-je… adoucie par des mois de jus de mangues égyptiens de première qualité envoyés par la valise diplomatique. Il y avait la diplomatie chinoise du panda, il y a désormais celle de la mangue égyptienne.
Pourquoi la Turquie a-t-elle chercher à apaiser ses relations avec l’Egypte ?
- Première raison : plaire au Qatar qui dans cette affaire a servi d’intercesseur. La Turquie ne peut pas refuser grand-chose à Doha : elle y cantonne 5 000 soldats dans une base militaire flambant neuve. Eh puis, le Qatar, c’est la clé d’une politique gazière qu’Ankara voudrait développer.
- Il y a ensuite la volonté pour Erdogan de tourner la page des Printemps arabes. Une décennie plus tard, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte ont remporté leur bras de fer avec l’islam politique : le temps de la « realpolitik » est donc revenu.
- Enfin, la Turquie est en crise et a besoin des poches profondes des monarchies du Golfe. Alors, on oublie le massacre de la place Rabia-al-Adaouïa et le meurtre en 2018 du journaliste saoudien Khashoggi sur le sol turc, on serre les dents et on serre des mains.
Quel est l’intérêt de l’Égypte dans cette affaire ?
D’abord, il y a la revanche d’Al-Sissi qui obtient une reconnaissance complète de son régime en décrochant de haute lutte – il a fallu des mois de négociations en coulisse – une rencontre symbolique, certes, mais personnelle avec son pire ennemi dans la région.
C’est important pour l’Égypte parce que la Turquie est aussi membre de l’OTAN. Le Caire démontre ainsi sa bonne volonté à Washington qui reste un de ses tout premiers pourvoyeurs d’aide militaire. En clair, une page est donc tournée, place désormais aux affaires.
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