Tous les ans, le président algérien remet un prix de journalisme. Cette année, il a été attribué à un reportage internet... entièrement plagié. Une humiliation.
On part en Algérie ce matin pour la remise d’un prix du journalisme. Ça peut paraitre surprenant pour un pays qui pointe à la 146e place – sur 180 – au dernier classement mondial de la liberté de la presse de Reporter sans frontières. Un pays qui, depuis 2015, à même perdu 27 places ! On appelle ça une descente aux enfers.
Et pourtant, l’État algérien organise tous les ans une journée nationale de la presse, qui cette année avait lieu de vendredi dernier. Une journée qui depuis 7 ans se conclut par l’attribution d’un prix du président de la République.
La remise du prix a été précédée d’un discours du ministre de Communication qui a déclaré – sans rire – que l’Algérie accordait une attention toute particulière à « la promotion de la liberté de la presse et au respect des règles de déontologie ».
Mais le clou du spectacle était bien sûr la remise des prix en présence du président algérien Abdelmadjid Tebboune. Le 2e prix est allé au reportage d’un média Internet appelé IallaTv. C’est une surprise, parce que personne dans l’assistance ne connaissait ce site d'infos.
Les journalistes algériens ont donc mené l’enquête. Ce qu’ils ont trouvé est ahurissant : d’abord il leur a fallu de longues heures pour retrouver la trace de ce IallaTv… qui n’existe en fait que depuis le 6 octobre. Autrement dit, une gros malin a créé ce site une petite quinzaine de jours avant l’attribution du prix.
Ensuite, lorsque les journalistes du très sérieux site d’information algérien Inter-Ligne sont tenté de parcourir les contenus de ce média flambant neuf, ils se sont aperçus que IallaTv n’avait produit qu’un seul reportage : précisément celui qui a été primé.
Quel talent, me direz-vous, aussitôt créé, aussitôt primé ! Sauf qu’en poussant encore un peu l’enquête, il s’avère que le reportage en question a été tout bonnement piraté, puis maquillé : logos changés, quelques graphiques modifiés, et Yallah ! le tour était joué !
A ce stade, ça ne s’appelle déjà plus du plagiat mais de l’escroquerie. Et pourtant ce n’est pas fini : Inter-Lignes s’est en effet rendu compte que le reportage original avait été réalisé par une chaîne de télé, El Djazairia One, fermée par l’État algérien le 21 juin.
Ni le jury, ni l’organisation de ce prix officiel ne s’est rendu compte de rien
Ce qui est certain, c’est que la remise de ce prix a fini d’humilier le ministre et le président algériens. Reste que pendant que les huiles ministérielles se ridiculisaient à la Journée nationale de la presse, la Justice algérienne, elle, sévissait :
Elle maintenait en prison le journaliste du quotidien francophone Liberté Rabah Karèche. Une affaire qui n’est pas sans rappeler celle du correspondant de France24, Khaled Drareni, libéré en février après une année de détention arbitraire.
Car le plus étonnant c’est qu’en Algérie, c’est souvent la presse francophone – qui pourtant est lu par assez peu de monde, il faut le dire – qui dérange le plus, informe le mieux et en paie souvent le prix fort.
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