L'Ukraine contre les moines espions

France Inter
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Le contrespionnage ukrainien a perquisitionné hier la Laure des Grottes, un immense monastère au coeur de Kiev. Une opération spectaculaire qui vaut avertissement : être religieux et espionner pour Moscou ne vous préserve pas de surveillance étroite.

Une perquisition un peu particulière

Une opération de police conduite hier matin à Kiev par le SBU, le service de contrespionnage ukrainien. Jusque-là rien de particulier : le pays est en guerre et tout le monde sait que Moscou y entretient des réseaux d’espionnage.

Ce qui est beaucoup plus étonnant, c’est le lieu de cette fouille opérée par des dizaines d’agents ukrainiens : la « Laure » des Grottes, un ensemble monacal vieux d’un millénaire et particulièrement important.

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Il s’agit du lieu légendaire de naissance de l’orthodoxie est-européenne. Un monastère sacré où sont enterrés les moines qui, les premiers, ont converti les populations locales. Russes et Ukrainiens le considèrent comme le berceau de leur foi.

Que cherchaient les services ukrainiens ?

Des saboteurs infiltrés parmi les moines, des armes cachées, des preuves d’activité des services d’espionnage russes. Depuis le début de la guerre en Ukraine, une trentaine de religieux ont ainsi été arrêtés dans tout le pays pour intelligence avec l’ennemi.

On ne connait pas encore les résultats de cette opération de contrespionnage mais les moines de la Laure des Grottes ont compris le message : Kiev vous surveille étroitement.

Pourtant, dès le début de l’invasion, les dirigeants du monastère ont rompu tout lien avec le patriarcat de Moscou. Ça ne suffit visiblement pas à écarter le soupçon qui pèse plutôt sur les moines et les prêtres, le bas-clergé en somme.

Moscou a réagi ?

Immédiatement et violement : le Kremlin a publié un communiqué affirmant que ces perquisitions étaient un acte d’intimidation et une preuve supplémentaire que « les autorités ukrainiennes étaient en guerre contre l’Église orthodoxe russe ».

Il faut comprendre que l’unité de l’Église orthodoxe sous l’égide de Moscou est l’un des enjeux de cette guerre. En 2019, l’Église ukrainienne a officiellement obtenu du patriarche de Constantinople, le pape des Orthodoxes, son autonomie.

Autrement dit, alors que les 45 diocèses d’Ukraine dépendaient formellement de Moscou depuis 1686, une autre organisation, dite autocéphale, a commencé son travail de sape : faire passer des centaines de paroisses de l’orbite de Moscou à celle de Kiev.

La guerre a dû accélérer ce mouvement, j’imagine !

Aujourd’hui, près de la moitié des paroisses ukrainiennes a abandonné leur allégeance à Moscou. La moitié des diocèses en prend aussi le chemin : on n’y prie plus pour le patriarche moscovite. C’est une première étape cruciale vers la rupture définitive.

Il faut dire que ce mouvement est bien aidé par les déclarations du chef de l’Église russe, Kirill 1er. C’est un partisan acharné de Vladimir Poutine qui a béni les forces armées russes et n’a jamais eu un mot pour les civils ukrainiens tués ou blessés.