Mobilisation en Californie cette semaine : pour une fois, pas contre l’administration Trump, mais contre Starbucks. La chaîne de cafés a prévu de s’installer dans le Parc National du Yosemite, l’un des joyaux naturels du pays. Ce qui ne fait pas l’unanimité.
- Corine Lesnes Journaliste, correspondante du journal Le Monde aux Etats-Unis
Pour planter le décor : le Yosemite est l’un des parcs nationaux les plus connus des Etats-Unis. Il est situé à 300 km à l’est de San Francisco, dans la Sierra Nevada. C’est le troisième en termes de fréquentation (5 millions de visiteurs l’an dernier). Pas le plus fréquenté, donc, mais l’un des plus photogéniques, avec son « half dome » la montagne de granit coupée en deux, ses séquoias géants, et la cascade la plus haute d’Amérique du nord à 740 m de haut.
Et surtout, c’est un symbole, c’est là qu’est née l’idée de préservation des espaces naturels à la fin du 19ème siècle, sous l’impulsion de John Muir, qui a été surnommé « le premier écologiste du monde » par les Californiens. Dans la foulée, le Congrès a créé le service des parcs nationaux, en 1916. Les Etats-Unis comptent maintenant 59 parcs -408 espaces protégés si on ajoute les monuments nationaux et les sites historiques du patrimoine national. Au total, plus de 310 millions de visiteurs, un record absolu, l’an dernier.
L’ennui, c’est que le Congrès n’a pas prévu de mécanisme de financement permanent. Les Parcs sont en déficit chronique. Victimes de leur succès. Et il faut bien le dire, de la convoitise des compagnies minières, des bucherons. Les menaces des motos neige et des coupes budgétaires.
D’où le plan « café » dans le Yosemite
Le projet est d’ouvrir un Starbucks dans un des petits centres commerciaux, gérés par le concessionnaire Aramark -qui a le contrat des services dans le Yosemite. Il ne s’agit que d’une boutique, mais les opposants y voient la porte ouverte à l’invasion des Parcs par les « multinationales ». Plus de 20 000 personnes ont déjà signé la pétition anti-Starbucks.
La question c’est comment rentabiliser les parcs ?
Toutes les administrations se sont heurtées à la question. Barack Obama avait ouvert la porte à un plan de quête de « sponsors » qui avait été très contesté. Il était question de partenariats : pour la première fois les sponsors allaient voir leurs marques s’étaler sur les équipements : auditorium du Yosemite sponsorisé par Coca Cola, véhicules des rangers par Subaru.
Le gouvernement Trump lui, a décidé de doubler –carrément- le droit d’entrée. De 30 dollars, il va passer à 70 dollars. L’augmentation va rapporter 70 millions de dollars. Ce n’est qu’une goutte d’eau dans le déficit il faudrait plus de 10 milliards pour répondre aux besoins d’entretien). Mais les conséquences sont importantes sur le plan social : déjà les Parcs sont plutôt pour les riches : les minorités ne représentent qu’un visiteur sur 5 (alors qu’ils forment plus de 35 % de la population). Ca ne va pas aider à la démocratisation. Pas un hasard si le parc le plus visité est celui des Smokey Mountains dans les Appalaches (11 millions de visiteurs) – devant le Grand canyon : c’est le seul à être gratuit.