

Cette semaine, Bruno Donnet s'intéresse aux prolongements médiatiques du procès Balkany. Et plus particulièrement à l'intervention de son avocat, Eric Dupont-Moretti, samedi dernier sur France 5.
Ca s’est passé juste après le verdict et la condamnation de Patrick Balkany à quatre ans de prison ferme… avec mandat de dépôt ! Eric Dupont-Moretti était l’invité de C à vous et il s’en est pris, très violemment, au travail de la presse : «Vous savez, dans la gravité de la peine, il y a aussi un acharnement journalistique ».
Il a commencé par attribuer la condamnation de son client à « un acharnement journalistique », puis il a qualifié les journalistes… avec un mot, "la meute". La meute ! Un terme bien évidemment pas choisi au hasard, puisque pour former une meute… il faut des chiens et que lorsque l’on associe « chiens » à « journalistes », on renvoie forcément aux propos de François Mitterrand… après le suicide de Pierre Bérégovoy (« Toutes les explications du monde, ne justifieront pas qu’on ait pu livrer aux chiens l’honneur d’un homme et finalement sa vie »).
Voilà, une mise en accusation particulièrement grave des journalistes donc, qui, en matière de technique d’avocat, porte un nom, celui d’un procédé très pratique, qu’on appelle : « renverser la charge de la preuve », c’est-à-dire… tenir pour vrai ce qui n’est pas prouvé être faux.
Une technique habile, certes, mais qui présente tout même une grande faiblesse, puisque comme le résume parfaitement la locution latine : « Quod gratis asseritur gratis negatur. »… « Ce qui est affirmé sans preuve… peut être nié sans preuve. »
Alors loin de moi l’idée de venir ici pour faire comme Eric Dupont-Moretti, en me contentant de nier ses accusations à l’égard de la presse… sans apporter la moindre preuve
Car les preuves que Dupont-Moretti dit des conneries plus grosses que lui… sont légions et posent questions. Les questions, on pourrait les résumer ainsi : jusqu’où et jusqu’à quand un avocat peut-il venir plaider… à la télé, plutôt que dans un prétoire ? Samedi dernier, le verdict avait été rendu depuis 24 heures et on peut donc se demander si, au seul motif qu’il a échoué… à la barre, la place de l’avocat de Patrick Balkany était vraiment de continuer à plaider… sur un plateau de télé.
Du reste, Dupont-Moretti est coutumier du fait, puisque le 13 mai dernier, la veille de l’ouverture du procès Balkany, il était déjà venu, sur France 5, exposer devant les caméras, avant de faire devant les magistrats, son système de défense :
Je suis venu exceptionnellement pendant une affaire en cours pour tenter d’expliquer deux ou trois choses.
Enfin les preuves
Et bien pour les trouver, il suffisait de réfléchir, d’abord, à l’indépendance des juges, dont on peine à croire qu’ils soient à ce point influençables par des journalistes. Mais surtout de jeter un œil, dimanche soir, au magazine « Enquête exclusive » qu’M6 consacrait à Patrick Balkany.
On pouvait y apercevoir une séquence hallucinante, dans laquelle le maire de Levallois expliquait que, quoi qu’il arrive, rien ne pourrait l’empêcher d’être candidat en 2020 :
Les réquisitions, elles sont assez lourdes, elles pourraient vous empêcher de vous présenter… Mais pas du tout… 10 ans d’inéligibilité ! Mais ça, c’est après la cassation, c’est dans quelques années.
Et oui, sous l’œil de la caméra de M6, Balkany toisait allègrement la justice avec une morgue et un cynisme abyssal, n’hésitant pas à expliquer que le temps… judiciaire, travaillerait finalement lui : « Quel que soit la décision du tribunal, après l’appel, vous êtes comme neuf ! ».
Preuve, s’il en fallait une, que le meilleur ennemi du Balkany… fraudeur de fisc, celui qui provoque l’ire des magistrats, c’est pas le journaliste, mais bel et bien le Balkany… hâbleur. Et la démonstration que vouloir défendre l’indéfendable, même en renversant la charge de la preuve, c’est plus facile à faire… sur un plateau que devant des tribunaux.
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