

Cette semaine, toutes les chaînes ont diffusé en boucle les images de cet ancien boxeur en train de rouer de coups un gendarme. Pourtant, c’est une toute autre image qui a retenu votre attention, une image qui vous a donné envie de nous parler ce matin de la mise en scène de l’anonymat…
Cette semaine, la séquence la plus… spectaculaire, c’était incontestablement celle-ci :
« C’est un homme vêtu de noir, ancien boxeur professionnel qui frappe un gendarme à coups de poings. Ouais, allez ! »
Seulement voilà, s’il s’agissait bel et bien de l’image la plus effrayante, était-elle pour autant la plus choquante ? La réponse est non. Non, parce qu’elle présentait une particularité de taille : elle avait le mérite de nous montrer, oh rareté, un homme à visage… découvert. Ce qui a permis, excusez du peu, aux médias de parfaitement l’identifier :
« Surnommé le gitan de Massy, ce colosse est un ancien boxeur, champion de France professionnel en 2007. »
Et à la justice de lui appliquer la comparution immédiate. En revanche, figurez-vous que j’ai vu, dimanche, une toute autre séquence. Filmée en marge de la manif des gilets jaunes de samedi, on y entendait un homme s’adresser aux gendarmes et leur dire… ceci :
« On va être armés la prochaine fois. On sera pire que vous. Vous allez voir, vous allez prendre cher. »
Vous avez bien entendu, un homme menaçait donc des flics non plus de leur péter la gueule à coups de poings, mais bien de venir leur tirer dessus… avec des armes ! Le problème, c’est que si on entendait parfaitement bien sa voix… on ne voyait pas son visage. Car en plus de son gilet, jaune, cet homme portait un masque de carnaval doré, rehaussé d’une casquette à rabat de fourrure sur les oreilles, un assemblage qui dissimulait donc le moindre millimètre carré de sa peau. Bref, ce très vaillant manifestant était donc parfaitement… anonyme ! Alors que ce garçon choisisse de se planquer derrière un masque pour proférer ses terrifiantes menaces… ça le regarde. Mais est-ce le rôle de la télévision que de diffuser ses propos ? Est-ce le boulot des journalistes d’aller relayer et amplifier, rien de moins que l’appel à prendre les armes… contre les forces de l’ordre, d’un type dont on ne sait ni qui il est, ni d’où il vient et encore moins ce qu’il réclame ?
Et bien ces questions-là Sonia, il semblerait que plus grand monde ne se les pose. Comme si une barrière venait d’être allègrement franchie entre ce qui se passe communément dans l’espace numérique et ce qu’on nous montre désormais… dans les journaux de 20 heures ! Il y a, vous le savez tous, sur les réseaux sociaux, des ribambelles de pleutres qui, bien tranquillement planqués derrière des pseudonymes totalement inidentifiables, passent leurs journées à balancer des saloperies ou à proférer des menaces à l’encontre de tous ceux qui les défrisent. Mais est-ce que parce que ces consternantes pratiques sont devenues monnaie courante… sur internet, qu'on doit, aussi, se les taper sur les grands médias ? Où est le rôle de filtre ? Où est la valeur d’exemple ? Et où se situe l’information quand on donne la parole à un sac à dos, à une paire de godasses ou à un masque de carnaval ?
La réponse est comme souvent dans la question, voilà pourquoi je suis personnellement prêt à ouvrir une grande cagnotte Leetchi, qui financerait un séminaire de réflexion sur tous ces thèmes… Et peut-être même une deuxième, qui permettrait, qui sait, à tous ces courageux qui, rien qu’au cours de la semaine, ont menacé de mort le caricaturiste du Courrier Picard… parce qu’il avait dessiné des gilets jaunes. Un député… parce qu’il était noir. Ou appelé à violer Marlène Schiappa, tout ça naturellement, très tranquillement tapis dans le maquis de l’anonymat, de pouvoir enfin en sortir, pour aller s’offrir… une petite paire de couilles. Bonne journée !
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