Les duels en littérature

France Inter
Publicité

L’actualité, c’est bien sûr ce duel du 7 mai, qui s’approche, entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Mais Racine contre Corneille, c'était autre chose.

L’actualité, c’est bien sûr ce duel du 7 mai, qui s’approche, entre Marine Le Pen et Emmanuel Macron. Mais le duel n’est pas l’apanage de la politique, et je m’inspire ici d’un article publié dans le magazine Marianne.

Car comme d’habitude, la littérature a déjà expérience de notre actualité, et l’idée d’affrontement final, la littérature, elle connaît par cœur. On ne compte plus les batailles d’écrivains, et là aussi, c’est la même règle du jeu : deux candidats, une seule place. Toute sa vie, Victor Hugo s’est opposé au critique et écrivain Sainte Beuve, - qu’il appelait "Sainte Bave", opposition surtout littéraire mais le fait que Sainte-Beuve ait troussé la femme de Victor Hugo n’était peut-êter pas complètement étranger à cette rivalité.

Publicité

De la même façon, Gustave Flaubert déteste et affronte Alfred de Musset, il écrivit : « Son génie s’est noyé dans un tonneau, et, vieille guenille maintenant, s’y effiloque de pourriture ». ça, c’est de la vanne ! Prenez en de la graine, vous les humoristes là…Là aussi, leur fracture était littéraire d’une part, mais eh, comme pour Hugo et Sainte Beuve, il se trouve qu’Alfred de Musset draguait ferme Louise Colet, par ailleurs petite amie de Flaubert…

Parfois, femme et littérature se confondent…

Racine et Corneille en savent quelque chose, puisque les deux hommes aimaient la Marquise du Parc, laquelle est morte en couches en 1668, probablement engrossée par Racine. A l’époque, au 17ème siècle, Racine, c’est le nouveau people : il est jeune, frais, prometteur, et face à lui : la grande ombre : Corneille, vieillissant, dont la gloire n’est plus à faire. Et donc à l’automne 1670, la France bruisse d’excitation face au duel qui se prépare : l’étoile montante contre l’astre déclinant, Racine contre Corneille.

Les deux hommes vont jouer, à quelques jours d’intervalle, la même pièce, Bérénice. Duel de théâtre, certes, sans giclée de sang, mais, comme en politique, duel sans merci. Lequel des deux, Racine ou Corneille, remportera les suffrages de Louis XIV ? Parce qu’il s’agit de ça : le roi devra choisir le mâle dominant de la scène française. Tout comme nous dimanche, je vous signale.

Et c'est Racine qui gagne

On voit déjà les clans qui se dessinent, les ralliements. Par exemple, Molière se range du côté de Corneille, d’ailleurs il lui prête sa troupe, celle du Palais Royal – il se trouve que Racine a aussi piqué la petite amie de Molière, donc il l’a mauvaise.

La première de Bérénice de Racine a lieu le 21 novembre 1670. Celle de Corneille se déroule le 28 novembre.

Et c’est Racine qui gagne. Quand Louis XIV exige de voir sa pièce en représentation privée, au Palais des Tuileries, tout le monde comprend que c’est plié : Racine est l’élu du roi.

Corneille se retirer sur la pointe des pieds, il n’écrira plus que deux pièces avant de s’éteindre loin des sunlights.

Toute notre histoire littéraire est émaillée de ce genre de duels, sublimes, et parfois beaucoup plus violents. Il faut voir les échanges de lettres entre par exemple Aragon et Breton, qui se sont haïs – et admirés. Louis Aragon, alors qu’il a vingt ans, écrit à Breton : « Tu n’as rien à craindre (il souligne) pour le moment et ce qui fait le prix de notre amitié, c’est la dramatique certitude qu’un jour, nous nous tuerons à mort. »

Le duel, pas qu’une affaire présidentielle !