Thomas Gunzig, "Feel Good", éditions du Diable vauvert

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Thomas Gunzig, "Feel Good", éditions du Diable vauvert - La chronique de Clara Dupont-Monod
Thomas Gunzig, "Feel Good", éditions du Diable vauvert - La chronique de Clara Dupont-Monod
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Vous êtes belge. N'ayez crainte, nous comprenons cela ici, nous sommes tolérants envers les êtres différents et un peu barrés. La preuve : vous avez imaginé une révolte sans mort, sans violence, sans bruit, si bien planquée qu’on ne comprend même pas qu’il y a eu révolte.

Votre roman, c'est ça : l'histoire d'une prise de pouvoir par la douceur. 

Cette définition me parle car c'est aussi celle d'un sport, l'équitation :  ma prof d'équitation me dit toujours qu'avec le cheval, il s'agit de prendre le pouvoir par la douceur. 

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Vous êtes donc un jockey littéraire, le Guillaume Canet du roman – laissez-moi être la Charlotte Casiraghi de la critique et tout ira bien. 

Comment prend-on le pouvoir avec tact et doigté, sans le cynisme de Bel Ami de Maupassant, sans la cruauté du Comte de Monte Christo et sans la moustache de Staline ?  

D'abord, il faut s'appeler Alice. C'est elle, l'héroïne de votre roman. Elle est vendeuse dans un magasin de chaussure, dans une petite ville. 

 Toute sa vie, elle a vécu « tout juste ». Pas misérable, pas pauvre, mais « tout juste ». 

Notez que cette notion de « tout juste » marche avec tout. Elle est très pratique dans la vie. Vous avez des coupes de cheveux « tout juste », des intelligences « tout juste », ou des copulations « tout juste ». 

Bref. 

Alice, elle, a des finances « tout juste », et le jour où son magasin de chaussures ferme, là, c’est plus « tout juste » mais « juste cata »: 45 ans, un petit garçon, un appartement minuscule, pas de boulot : équation anxiogène. 

Elle a une première idée : kidnapper un bébé riche. Là, elle tente de prendre le pouvoir sur sa vie par une certaine violence et assez peu de sens moral. 

Elle échoue : personne ne réclame le bébé riche. 

Alice est punie, elle se retrouve avec deux enfants et toujours quelques centaines d’euros pour tenir le mois. 

Vient l'idée de la révolution futée, indolore, je cite, « On ne va rien voler, mais on aura quand même pris quelque chose qui ne nous appartenait pas, qui va changer nos vies », dit-elle. 

Et ce qu'ils vont prendre, c'est une étiquette d'écrivain. 

 Parce qu'ils vont faire un livre qui va se vendre, un « feel good book », un ouvrage censé rendre les gens heureux, avec, je cite : « de la psychologie à trois sous »,

 accessoirisé d’un titre simple, genre, suggère Alice, « La vie est belle », ou : « la vie est belle pour les gens qui s’aiment », variante : « les amis c’est pour la vie. » 

Plus c'est tiède, mieux ça passe, et moins c'est riche, plus l'auteur le devient. 

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