

C’est donc parti pour un 4ème mandat ! Vladimir Poutine a prêté serment ce matin après sa facile réélection du printemps dernier. Le tout sur fond de contentieux en série avec les Occidentaux. Mais dans le "Monde à l'envers", question: n'est-il pas temps au contraire pour les Européens de se réconcilier avec Poutine ?
Je vous vois déjà sourciller : « enfin quand même, Poutine c’est pas un gentil ! »
Je vous l’accorde aisément, et nous le savons tous :
- Il réprime les opposants en Russie,
- Il soutient le boucher Bachar el Assad en Syrie,
- Il a annexé une partie de l’Ukraine par la force,
- Il cherche à influencer les scrutins en Occident par le biais de la Toile,
- Et il est soupçonné de faire empoisonner ses opposants, y compris sur le sol britannique.
Ok. Tout cela est vrai et ça justifie amplement qu’on ait pu se fâcher avec lui : ce n’est pas un enfant de chœur !
Mais bon une fois qu’on a dit ça, je vous propose, comme souvent, de faire une pause…
De respirer un bon coup et de se poser la question : n’y a-t-il pas plus à gagner à se réconcilier avec lui ?
Premier paramètre, comme toujours, rappel du monde réel : il est là ! Ça peut ne pas nous plaire, mais il est là. Et bien là. Confortablement réélu avec 76% des voix. Même s’il y a eu des irrégularités, sa légitimité est indiscutable.
Regard européen et pivot diplomatique
Vous allez me dire: ça ne fait pas pour autant de lui un « gentil »…
Et bien c’est plus compliqué que ça. La pièce Vladimir Poutine possède deux faces.
Oui il y a le recto, le dirigeant autoritaire et interventionniste.
Mais il y a aussi le verso : sur l’autre face, il y a ce que Gorbatchev appelait il y a 30 ans la « maison commune européenne ». Poutine regarde vers l’Europe, il s’y intéresse. Il est simplement inquiet de la présence de l’OTAN à ses portes. Et une grande partie des élites russes partage cette logique : plutôt europhiles mais préoccupés des troupes massées à leurs frontières.
Et puis Poutine, c’est aussi :
- Un dirigeant qui n’intervient pas partout : par exemple, jusqu’à preuve du contraire, il laisse se dérouler paisiblement la « Révolution de velours » en cours en Arménie.
- Un président qui certes emprisonne de nombreux opposants, mais fait monter une nouvelle génération de dirigeants, en particulier dans les instances régionales du pouvoir russe.
- Un chef des armées qui réduit son budget militaire : c’était vrai l’an dernier, ce sera encore le cas cette année. C’est en partie dû à la situation économique, mais tout de même.
- Et enfin un leader diplomatique qui est sans doute le seul aujourd’hui à pouvoir parler avec toutes les parties au Proche et au Moyen Orient : Israéliens comme Iraniens, Turcs comme Syriens. Bref un pivot incontournable pour toute négociation dans la région.
Sortir du dilemme Washington Pékin
De là à avoir des intérêts communs avec lui, c’est autre chose, mais justement, c’est le cas !
D’abord, il y a l’intérêt géopolitique :
- Comme Poutine, les Européens veulent sauver l’accord sur le nucléaire iranien,
- Comme Poutine, ils ont pour priorité de lutter contre le terrorisme islamiste,
- Comme Poutine, ils veulent protéger les Chrétiens d’Orient.
Ensuite, il y a l’intérêt économique. Le président russe a besoin d’alliés pour relancer la croissance chez lui. Son pays est ultra dépendant des cours du pétrole et du gaz.
Donc si les cours sont bas comme au cours des 4 dernières années, il est incapable de débloquer les investissements qui relanceraient l’économie et les salaires.
La Russie a besoin d’infrastructures routières, d’écoles, d’hôpitaux, de projets numériques. Elle a besoin de technologies et de capitaux.
Elle ne pourra pas le faire toute seule : les Européens ont donc une carte à jouer. Ça s’appelle un levier de négociation.
De son côté, l’Europe a elle aussi besoin d’alliés sur le plan économique.
Aujourd’hui, elle est déjà prise en tenaille entre des Etats-Unis devenus imprévisibles avec Donald Trump, et une Chine qui cherche à étendre tous azimuts son empire économique avec le projet des « Nouvelles routes de la Soie ». On voit d’ailleurs bien cette tenaille à l’œuvre dans le contentieux sur l’acier et l’aluminium.
Donc si l’Europe veut peser, elle a peut-être intérêt à jouer la carte Poutine. Initier un grand accord cadre de sécurité et de coopération économique avec la Russie.
Dans deux semaines, Emmanuel Macron se rend à Moscou et à St Petersbourg. Et hier dans le JDD, il évoquait la volonté d’engager, je cite, un « dialogue historique avec Poutine pour arrimer la Russie à l’Europe ».
Just do it ! Chiche !