

Entre le forum économique mondial de Tianjin qui démarre demain et l’annonce imminente de nouvelles taxes douanières américaines, l'économie chinoise est à nouveau au centre de l'actualité. La Chine semble "la puissance montante" mais en fait elle n'est pas si solide économiquement. C'est "le monde à l'envers".
Le raisonnement facile et « prêt à penser », c’est de se dire que Trump est fou d’accélérer la guerre commerciale avec Pékin, que c’est une bataille perdue d’avance.
Et bien ce n’est pas si sûr ! Pour comprendre, il faut d’abord mesurer l’immensité de la dette chinoise. On parle souvent de l’énorme endettement américain, mais l’endettement chinois, ce n’est pas mieux, c’est presque même pire.
Et à ce petit jeu, les deux pays se tiennent un peu l’un l’autre par la barbichette.
En 10 ans, l’endettement total chinois s’est envolé, multiplié par 4 !
Je veux parler de l’endettement cumulé entre l’Etat et les entreprises, mais comme la frontière public-privé est assez poreuse en Chine, c’est sans doute le chiffre le plus fiable.
Cette dette représente 260% du Produit intérieur brut, pour un total vertigineux de 30.000 milliards de dollars. Gigantesque, totalement abstrait.
En termes plus simples, ça veut dire que la Chine vit à crédit. Elle a dépensé sans compter, à la fois pour accélérer sa transition économique vers les services et les nouvelles technologies, et aussi pour financer ses projets expansionnistes à l’étranger via les « Nouvelles routes de la soie ».
Et en plus, tout ça s’accompagne :
- De l’existence d’un secteur bancaire disons « informel » qui devra finir par se mettre en règle ;
- D’investissements un peu opaques dans les entreprises dites d’Etat ;
- Et d’une dévaluation de la monnaie, le yuan, qui accroit la difficulté du pays à rembourser ses dettes.
Du coup, le FMI, il y a quelques semaines, a sonné l’alerte : la dette chinoise devient dangereuse, y compris pour l’ensemble de l’économie mondiale.
Bulle immobilière et investissements ralentis
La croissance chinoise reste spectaculaire mais elle ralentit.
Les 10 à 15% de croissance des années 2000 paraissent bien loin. L’atterrissage cette année devrait s’effectuer à peine au-dessus de 6%.
Vous me direz, ça continue d’être beaucoup. Et les annonces spectaculaires se poursuivent : contrats en Afrique lors du sommet Chine Afrique du début du mois, contrats en Russie signés la semaine dernière par le géant du commerce en ligne Alibaba, etc.
Mais certains indicateurs ne sont plus totalement au vert.
Exemple : les investissements dans les grosses infrastructures (les projets de transport, le bâtiment, etc), n’ont progressé que de 4% lors des 8 premiers mois de cette année.
Cet indicateur n’a jamais été aussi bas depuis que la Chine a basculé dans une économie de marché.
Autre exemple : l’immobilier flambe (+30% dans les grandes villes, vous imaginez +30% pour votre logement ?) et par effet en chaine la consommation sur les autres biens pourrait diminuer et la dette privée augmenter. C’est un problème de pouvoir d’achat.
Et on en revient à l’endettement. C’est là où on en arrive à la guerre commerciale avec les Etats-Unis.
Pékin face au pari de Trump
La dette chinoise peut être un atout pour Washington. Je vais aller lentement pour que l’on comprenne le mécanisme.
Le président américain, semble-t-il, s’apprête donc à taxer de 10% à l’importation, l’électronique ou les textiles chinois. L’électronique et les textiles : énormes marchés, pas besoin de vous faire un dessin.
Et ça peut sérieusement affecter l’économie chinoise : parce que Pékin a besoin de ces exportations vers les Etats-Unis pour faire tourner sa machine.
Maintenant élaborons un petit scénario de film d’anticipation : l’électronique et les textiles chinois perdent des parts de marché aux Etats-Unis, du coup en Chine plusieurs millions d’emplois sont menacés et la croissance perd, disons, un demi-point.
Le pouvoir chinois essaie alors de soutenir l’économie. Mais il n’a d’autre solution que d’emprunter. Et c’est donc là que ça se complique, parce que son endettement est déjà très élevé. Retour à la case départ.
En résumé, pour plusieurs économistes, la Chine peut s’autoriser son niveau d’endettement actuel, uniquement parce qu’elle exporte massivement vers les Etats-Unis.
Si elle exporte moins, ça va se compliquer pour Pékin, pris entre le marteau et l’enclume.
Donc le pari commercial de Trump n’est pas absurde, et la Chine n’est pas nécessairement en position de force, du moins pas autant qu’on le pense.
Elle a aussi son talon d’Achille, c’est sa dette.
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