Pendant que les Européens se disputent entre eux ou se querellent avec les États-Unis sur l’Iran ou les taxes commerciales, l’essentiel, du coup, est en train de passer inaperçu et c'est le "Monde à l'envers" de ce soir: dans tous ces dossiers, discrètement c’est la Chine qui est en train de tirer les marrons du feu.
Regardez cette photo : elle fait un tabac sur les réseaux sociaux en Chine !
A première vue, c’est une image banale d’une séance de négociations : en l’occurrence les discussions commerciales de vendredi et samedi dernier à Washington entre Chinois et Américains. C’est très classique : il y a une grande table tout en longueur, une délégation de chaque côté, tout le monde a ses dossiers et sa bouteille d’eau sur la table.
Et maintenant regardons plus attentivement : Qu’est-ce qui vous saute aux yeux ?
C’est simple : à gauche les Chinois, moyenne d’âge à vue de nez 40 ans, à droite les Américains, moyenne d’âge à vue de nez, 70 ans !
Et du coup, sur Weibo, le principal réseau social chinois, cette photo est devenue un symbole en un clin d’oeil : la Chine c’est l’avenir et la modernité, et elle est en train de supplanter les Américains, ringards et dépassés…
Le symbole vaut d’autant plus que les Chinois ont gagné ce round de négociation.
Washington a renoncé à imposer 50 milliards de droits de douane supplémentaires aux produits chinois. Et en échange, Pékin s’est engagé à…. pas grand-chose en fait : une vague promesse d’augmenter ses importations de produits américains, on pense en particulier au soja.
Mais aucun chiffrage précis : zéro. La balance commerciale entre les deux pays va donc rester très favorable aux Chinois : 4 fois plus d’exportations que d’importations !
Autrement dit, Donald Trump bat en retraite. Pourquoi ? Deux explications :
- D’une part, les premières menaces de rétorsion chinoises sur le vin ou les pistaches ont fait leur effet.
- D’autre part, autant la délégation chinoise parle d’une seule voix, autant la délégation américaine est divisée, entre protectionnistes et libre-échangistes. Elle fait donc la cacophonie.
La bonne affaire en Iran
En même temps, quand les Etats-Unis menacent de sanctionner, par exemple les entreprises qui commerceraient avec l’Iran,on se dit que ça vaut pour tout le monde, y compris les Chinois…
Sauf que dans la pratique ce n'est pas le cas. Je m’explique : à l’exception de quelques-unes de leurs entreprises, en particulier dans les Télécoms, (on pense à ZDE ou Huawei), les Chinois ne redoutent pas les représailles américaines.
C’est toute la différence avec les Européens.
L’Iran est un bon exemple. Aujourd’hui Total, par peur des sanctions venues de Washington, semble décidé à renoncer au grand contrat gazier pourtant déjà signé en Iran.
Qui va prendre sa relève ? Je vous le donne en mille (source officielle iranienne) : le chinois CNPC !
Aujourd’hui déjà, 25% du pétrole iranien part en Chine. Et Pékin est engagé dans plusieurs projets en Iran, notamment la construction de la ligne ferroviaire Téhéran-Machad (au Nord Est du pays).
En fait, les Chinois ne s’embarrassent pas du dollar : soit ils facturent directement en yuan, soit ils passent par des intermédiaires. Et ils échappent ainsi à toute sanction américaine.
D’ailleurs, après l’annonce par Donald Trump il y a deux semaines de son retrait de l’accord sur le nucléaire, où s’est rendu en premier le ministre iranien des affaires étrangères : à Pékin ! CQFD.
Et ce qui vaut pour l’Iran, vaut pour une grande partie de l’Afrique voire de l’Europe de l’Est, où les Chinois multiplient les partenariats dans le cadre de leur grand projet commercial surnommé « Nouvelles routes de la soie ».
Le seul acteur international cohérent
Et tout le monde laisse faire.
C’est en partie de l’aveuglement : au lieu de se focaliser sur les droits de douane, on serait mieux inspirés de contrecarrer l’hégémonie chinoise sur d’autres terrains, par exemple par la défense de la propriété intellectuelle, Pékin étant expert dans l’exigence de transfert de technologie sur les contrats commerciaux. Ou par le recours aux arbitrages internationaux pour abus de position dominante et atteinte à la concurrence.
Mais plus que de l’aveuglement, c’est de l’impuissance !
Tous les consommateurs de la planète ont besoin des produits chinois, et Pékin non seulement possède une balance commerciale globale équilibrée mais a la sagesse de commencer à essayer de maitriser son endettement.
Concrètement ça veut dire : la Chine a les moyens de ses ambitions.
Pékin donne aujourd’hui l’impression d’être le seul acteur international à posséder une vision à long terme, où la décision politique est en adéquation avec la stratégie économique.
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