

Donald Trump doit dessiner tout à l’heure les contours d’une nouvelle politique des Etats-Unis sur l’immigration. On sait à peu près ce qu’il devrait annoncer. Et il y a quelques surprises là-dedans: le président américain est peut-être moins anti-immigration qu’on ne l’affirme souvent. C’est le "Monde à l’envers".
Oublions un instant que Trump est Trump. Oui, je sais, ce n’est pas facile.
Pourquoi je dis ça ? Pour nous inciter à écouter de façon posée ce qu’il dira tout à l’heure sur l’immigration, lors d’un discours dans les jardins de la Maison Blanche.
Il y a suffisamment de bonnes raisons de caricaturer Trump pour éviter d’en rajouter.
Premier enseignement probable de ce vaste plan : le président américain n’a pas l’intention de faire baisser l’immigration. Et oui, ça va à l’encontre d’une idée reçue à son sujet.
Il veut maintenir la statistique : 1 million 100.000 entrées autorisées sur le sol des Etats-Unis par an. C’est dans la moyenne habituelle depuis 35 ans. Et c’est comme ça qu’aujourd’hui, le pays compte 45 millions d’immigrés légaux, soit 14% de la population totale.
Trump sait que les Etats-Unis ont besoin du dynamisme démographique et économique impulsé par ces immigrants.
Quant à son obsession de construire un mur avec le Mexique, l’objectif serait révisé à la baisse : il ne s’agirait plus de construire une séparation sur la totalité de la frontière, plus de 3000 kms, mais de privilégier 33 points précis, les plus sensibles.
Alors vous allez me dire, quand même il expulse les immigrés ? Et bien non, pas tant que ça : ces expulsions ne sont pas plus nombreuses sous Trump que sous Obama.
Résultat : ce plan indispose les plus radicaux de son propre camp, au sein du Parti Républicain, jusques et y compris son conseiller à l’immigration, Stephen Miller, un « dur » sur le sujet. Donc c’est trop facile de caricaturer.
L'immigration au mérite plutôt que le regroupement familial
En fait Trump veut changer, non pas le volume, mais la nature de l’immigration.
Depuis 30 ans, et un accord au Congrès obtenu sous la présidence Reagan, le cadre général de la politique migratoire américaine favorise le regroupement familial : à peu près les 2/3 des entrées sur le sol des Etats-Unis.
Trump propose de changer de cap. Et de favoriser d’abord le mérite, avec un système de points : autrement dit les candidats à l’immigration qui possèdent des compétences utiles pour l’économie américaine. Des diplômés, des cerveaux, de la valeur ajoutée.
Et au passage, le président américain supprimerait la célèbre loterie qui, chaque année, attribue « une carte verte » d’immigrants à 50.000 personnes tirées au sort. Objectif : que les diplômés représentent 60% des immigrés.
A l’inverse, le regroupement familial deviendrait plus difficile.
Pour le coup, c’est l’opposition démocrate, qui va critiquer cette proposition, en la qualifiant d’inhumaine.
Mais le raisonnement de Trump n’est pas absurde. D’ailleurs, des pays comme le Canada ou l’Australie pratiquent déjà ce type de politique. L’objectif, c’est que l’immigration profite à l’économie : créations d’entreprise, innovations, avec à la clé des ressources fiscales plus fortes puisqu’on sera en présence de salariés plus qualifiés et mieux payés.
Le silence sur les "Dreamers"
Ce plan ne fera pas pour autant consensus pour deux raisons.
La première, c’est que ce plan fait l’impasse sur un gros sujet : que fait-on des immigrés illégaux, 11 millions de personnes environ sur le sol américain ? Et en particulier des 3 millions de « Dreamers ».
Vous savez, ce sont ces jeunes qui sont arrivés clandestinement mais en étant mineurs. Aujourd’hui, ils ont 25 ans de moyenne d’âge, et un quart d’entre eux seulement sont déclarés officiellement.
Réponse de l’administration Trump ? Pas de réponse.
La deuxième raison, c’est que dans moins d’un an et demi, c’est à nouveau la présidentielle. Autrement dit, la campagne commence dès à présent. Et pour que cette grande réforme de l’immigration ait lieu, il faudrait un consensus bi partisan au Congrès. C'est peu probable parce que les deux partis, les Républicains comme les Démocrates, vont sans doute préférer s’en tenir à leurs postures, leurs positions de principe respectives sur l’immigration, pour mieux flatter leur électorat.
C’est d’ailleurs pour cette raison que depuis 30 ans, personne n’a jamais réussi à réformer le système.
Mais les Démocrates seraient bien inspirés d’y réfléchir à deux fois. Parce que ce sujet de l’immigration est aussi un vrai piège tactique dans lequel Trump cherche à les enfermer.
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