"La ferme des animaux" de George Orwell (2)

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"La ferme des animaux" de George Orwell (2) - La chronique de Juliette Arnaud
"La ferme des animaux" de George Orwell (2) - La chronique de Juliette Arnaud
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Juliette Arnaud s'est replongé dans un classique de la littérature... Lundi, nous étions restés au soulèvement des animaux contre les hommes, alors chassés de la ferme. Que vont faire les chats, les chiens et les cochons maintenant qu'ils ont le pouvoir ?

Je ne suis pas sûre que George Orwell ait écrit la Ferme des Animaux pour la jeunesse mais je suis absolument certaine que cette fable dystopique est faite pour Jupiclasse. C’est que c’est un regard de côté sur la politique; et il vaut mieux : quelle jeune personne aurait instinctivement envie d’aborder un manuel doctrinaire? Offre-t-on Le Capital de Marx à Poupette pour Noël? Ou à Friponnet la Théorie Générale de l’Emploi, de l’Intérêt et de la Monnaie de Keynes? Non, on ne le fait pas, déjà si ça se trouve y aura pas Noël, et si il y a Noël, c’est Noël 2020, celui où on aura tous un tee-shirt avec écrit dessus « maman elle est fatiguée ». 

A rebours, quelle jeune âme n’aurait pas la curiosité d’ouvrir ce petit livre (une centaine de pages/ dix chapitres) au titre familier, puisqu’il contient les mots « ferme » et « animaux ». 

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Et on a tous eu à un moment ou à un autre durant notre enfance entre les pattes un bouquin pour enfants dont le titre était plus ou moins Les animaux de la ferme. Oui, ça vous revient? Nous étaient présentés tour à tour les animaux de la ferme, un petit cochon tellement rose qu’il ressemblait à une Barbie, un cheval dont on imitait le hennissement, des vaches, des poules, tout ça bien propre et bien vivant (non, on ne nous parlait pas abattoir et équarrissage) et bien souriants. Ca je m’en souviens très nettement : les animaux souriaient tout le temps tellement ils étaient contents de vivre dans la ferme. Bamboche for ever.. 

Dans la Ferme des Animaux, c’est moins ça. Dès l’ouverture, on assiste une nuit à un conciliabule des animaux réunis par un vieux cochon, Sage l’Ancien, pour les pousser à se libérer de leurs chaines, à chasser leur être humain, ce qu’ils vont faire et élaborer un genre de constitution fort simple, tout à fait démocratique : tout humain est un ennemi, tout animal est un ami,  on ne fait pas des trucs d’humains comme tuer des animaux, porter des vêtements, dormir dans un lit ou boire de l’alcool, mais surtout : « Tous les animaux sont égaux ». 

C’est simple, c’est beau, et oui, ça nous rappelle des mots que nous français connaissons bien « Tous les hommes naissent libres et égaux en droits ». Et puis, insensiblement, ça dévisse. Orwell, qui n’écrit toujours pas un manuel doctrinaire, raconte comment les animaux aux noms transparents (comme dans le Roman de Renart, Malabar le cheval costaud et bosseur ou Napoléon le cochon militaire) s’emploient à changer leur monde, Orwell sème les indices de comment ça dévisse, et ce, dans une prose délibérément pas sophistiquée, transparente comme un carreau de fenêtre. 

Orwell n’est pas la Comtesse de Ségur : il ne t’assaisonne pas toutes les trois pages d’une leçon de morale, il décrit comment certains animaux (ici les cochons plus intelligents et lettrés aidés physiquement par les chiens) se mettent à soumettre les autres qui en plus ne le voient pas venir. A tel point que le principe de base « Tous les animaux sont égaux » devient « mais certains sont plus égaux que d’autres ». 

Oui, c’est un peu rigolo, d’ailleurs un célèbre humoriste l’avait incorporé à un sketch, c’est un peu rigolo mais pas tant que ça. A tel point que « On eut dit que la ferme s’était enrichie sans rendre les animaux plus riches hormis les cochons et les chiens ». « Pourtant les animaux ne cessèrent de regarder comme un privilège d’appartenir à la Ferme des Animaux ». Mais enfin! bon dieu de bon dieu! comment c’est possible ce tout de passe-passe? Comment les animaux ont-ils pu se faire avoir? Vendredi on verra ça vendredi … 

Merci Bisous Merci

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