"Un singe en hiver" d'Antoine Blondin (2)

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"Un singe en hiver" d'Antoine Blondin (2) - La chronique de Juliette Arnaud
"Un singe en hiver" d'Antoine Blondin (2) - La chronique de Juliette Arnaud
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Juliette Arnaud poursuit la lecture de ce roman paru en 1959 aux éditions de la Table Ronde et ayant reçu le prix Interallié la même année.

En 1988, Pierre Assouline a interrogé longuement Antoine Blondin. Dans un café. Logique. C’est souvent amusant et instructif et un peu douloureux aussi : la voix d’Antoine, 3 ans avant sa mort, est celle distinctive d’un buveur assermenté, un peu empêchée, bredouillante parfois, d’autant que l’écrivain était un ancien bègue. 

"Qu’est ce qu’un intellectuel?", lui demande Pierre Assouline. Antoine commence par une petite provocation : « C’est quelqu’un qui me ressemble ». Assouline ne se démonte pas « Mais encore? ». Blondin poursuit : « Eh ben c’est quelqu’un qui va dans les … cafés ». On dirait une nouvelle provoc’ mais attendez c’est pas ça :

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Pour comprendre, pour connaitre les autres, j’ai eu ni frère ni sœur alors je sors dehors, pour créer des frères ou des sœurs.

Et ça c’est pas une facétie. Ainsi Gabriel Fouquet est un des frères créé par Antoine Blondin. Déjà ce patronyme : Fouquet. Comme le Surintendant des Finances enfermé par Louis XIV parce qu’il brillait un peu trop. 

Blondin disait : « Dans la vie on est Fouquet ou Colbert, moi je suis Fouquet : je dois de l’argent à tout le monde mais j’ai du style ». Je précise que s’il devait de l’argent à tout le monde, c’est que lui même était d’une générosité suicidaire. Et puis le gout pour l’ivresse et pour la fugue, afin sans doute de se trouver confusément un genre de famille. Sauf que ce Gabriel Fouquet créature de papier, avec du vrai sang dans les veines - et oui également quelques grammes d’alcool - il a une famille. Il avait une compagne actuellement en Espagne, sans lui, puisque lui est depuis 3 semaines tout seul à Tigreville. 

Elle s’appelle Claire, ils s’aimaient et puis les cuites répétées de Gabriel et les comportements consécutifs aux cuites ont fait fuir Claire. Elle lui disait : « Le seul obstacle entre nous c’est la boisson ». Et comme Gabriel-Antoine est un petit malin, qu’est ce qu’il répond le petit plus malin que les autres? Il juge utile de répondre : « Je boirai l’obstacle ». Oui c’est très amusant… La première fois … et après les Claire elles se barrent en Espagne. 

Et puis il y en a qui ne peuvent pas se barrer. Comme par exemple, la petite Marie. Qui n’a que 13 ans, l’âge où on ne choisit pas plus ses parents que son lieu de résidence. Marie est en pension à Tigreville. Ah! mais voilà pourquoi c’est précisément dans ce bled que Gabriel a échoué : il vient voir sa fille. (qui n’est pas la fille de Claire, mais d’une première femme). Il connait mal sa propre fille, il ne l’a pas élevée, mais là il se dit qu’il est là, que ça y est, qu’il est venu jusqu’ici pour soulager son exil de petite fille en pension. Il est là pour elle, juste pour elle. 

Alors quoi? Vas-y, grand garçon, va la voir, qu’est ce qui te retient? Pourquoi la regardes tu de loin en te cachant dans les dunes? Parce que, et je le cite : 

Je n’avais rien que de très simple à lui dire, et beaucoup de choses très compliquées à lui cacher.

Alors il se planque. Il tourne autour de Quentin Albert, le sobre, le repenti, et réciproquement, et il s’avoine dans le café du coin, tenu par un vieil ennemi de Quentin Albert en pariant qu’il va parvenir à lui refaire boire un coup. Oh… c’est un peu moche, ça … c’est un peu pervers… Comment s’y prend-il? En pratiquant un art méconnu, stupide et flamboyant qui s’appelle l’autoromachie. Merci Bisous Merci.