Cette semaine on parle du burn out qui touche de plus en plus d'agents au ministère de la Transition écologique... Par Laury-Anne Cholez, journaliste à Reporterre.net
Laury-Anne, aujourd'hui vous allez nous parler de la souffrance des fonctionnaires qui travaillent au ministère de la Transition écologique...
J'ai recueilli les témoignages de plusieurs fonctionnaires qui font partie de l'administration centrale du ministère de l'écologie. C'est ici notamment que sont rédigées les notes pour la ministre Barbara Pompili. Ou encore les rapports techniques pour préparer les lois et autres les arbitrages politiques qui permettraient d'endiguer la crise climatique. Mais hélas, ces agents sont totalement désabusés et n'arrivent plus à faire leur travail correctement. Alors à qui la faute ? Tout d'abord aux réorganisations constantes des bureaux qui sont faites pour masquer les réductions de personnel. En 8 ans, l’administration centrale à ainsi perdu près d'un tiers de ses effectifs. Et pourrait bien perdre à nouveau 779 équivalents temps plein cette année. Sur un effectif de 4000 personnes, cela fait beaucoup.
Moins de fonctionnaires, cela signifie moins de personnel pour faire le travail et préparer par exemple les futurs projets de loi ?
Absolument. Les agents ne sont pas assez nombreux et font des horaires à rallonge avec des nocturnes interminables. Certains témoins n'hésitent pas à parler d'une véritable épidémie de burn out dans les équipes. Mais rares sont ceux qui osent se plaindre officiellement. D'ailleurs tous mes témoins ont requis l’anonymat. Tout d'abord, parce qu'ils travaillent à l'administration centrale, proche de la ministre, une situation considérée comme prestigieuse. Mais aussi parce qu'ils ne voient pas vraiment comment faire changer les choses en interne. Tous sont pourtant convaincus et passionnés par leur métier et souffrent de l'immense décalage entre le discours d'Emmanuel Macron, auto-proclamé champion de la terre, et les choix politiques qui sont faits. Ils ont l'impression que la hiérarchie ne lit jamais leurs notes et que les décisions sont prises à l'encontre de leurs conseils. Et donc à rebours de ce qu'il faudrait faire pour préserver la biodiversité et tenter d'enrayer le réchauffement climatique. Et ceux qui tiennent tête sont rapidement remis à leur place. Ainsi, beaucoup sont totalement découragés, se résignent à sauver quelques miettes face aux coups de boutoir des lobbies.
La ministre, Barbara Pompili est-elle consciente du problème ? Qu'est-ce qui est fait pour changer les choses ?
Babarba Pompili est bien entendu au courant. Elle assurait d'ailleurs dans Reporterre qu'elle aimerait avoir plus de moyens pour son ministère mais que dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, chacun devait faire sa part. Le ministère nous a également envoyé toute une liste de mesures prises pour lutter contre cette souffrance au travail, avec des outils sur la prévention des risques professionnels. Les syndicats tentent également d'alerter sur la situation. Mais hélas, rien ne semble suffire. Entre le début et la fin de mon enquête, la situation de certains de mes témoins s'est même dégradée.
Ainsi, beaucoup ne croient plus du tout que le travail institutionnel suffira à endiguer la crise climatique. Certains soutiennent les mouvements désobéissance civile, comme Extinction Rebellion. Une de mes témoins va même encore plus loin en incitant les gens à lancer des Zad. C'est la seule chose, dit-elle, qui effraie le gouvernement et qui pourrait forcer un changement de cap. Car faute de réel contre-pouvoir dans la rue, l’administration seule demeurera impuissante...
Sur le site de Reporterre.net: Au ministère de l’Écologie, les fonctionnaires souffrent et constatent leur impuissance