La chronique de Marc-André Selosse

Les pieds dans l'eau
Les pieds dans l'eau ©Getty
Les pieds dans l'eau ©Getty
Les pieds dans l'eau ©Getty
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Professeur au Muséum National d’histoire naturelle, il présente chaque mercredi sa « Chronique du vivant. Au menu du jour : comment les plantes se servent de l'eau?

Avec
  • Marc-André Selosse Microbiologiste spécialisé dans le champignon des sols, professeur au Muséum national d’histoire naturelle, et président de la fondation BioGée.

Chacun sait que les plantes ont besoin d’eau… on a tous arrosé un pot de fleur ou un jardin. Avez-vous réalisé que cela dépasse très largement ses besoins pour sa seule croissance ? A quoi lui sert tant d’eau ? 

C’est parce que la plante utilise surtout l’eau pour monter ses courses, si j’ose dire ! Les ressources exploitées dans le sol (azote, phosphore, etc..) montent vers les feuilles par un flux d’eau qu’on appelle la sève. Ce qui attire cette sève, c’est qu’elle s’évapore au soleil : la feuille est comme un linge qui sèche au vent. La plante utilise l’énergie solaire pour sa photosynthèse et aussi pour pomper la sève. 

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C‘est pour cela qu’il fait frais sous un arbre, comme sous du linge qui sèche ; c’est pour cela qu’on a les fesses humides en s’asseyant dans l’herbe. Les plantes extraient l’eau du sol et la vaporisent en l’air.

Ce besoin en eau représente 50 à 80% de l’eau tombée avec les pluies. Pour une forêt de nos régions, il faut 30 tonnes d’eau par hectare chaque jour ! Ce chiffre énorme peut étonner, mais réfléchissons. Trente tonnes équivalent à une lame d’eau de 3 millimètres répartie sur la surface de cet hectare. Donc une forêt évapore chaque jour l’équivalent d’une pluie de 3 millimètres. Comptons 200 jours par an avec des feuilles (car il n’y a pas de flux de sève en hiver). Il faut donc 3 millimètres x 200 jours = 600 millimètres de pluie par an. Or, la pluviométrie en France va de 500 à 1500 millimètres, ce qui laisse assez d’eau pour nourrir quelques rivières en plus ! Les régions recevant moins de 600 millimètres, par exemple dans le sud méditerranéen, présentent des végétations maigres et moins exigeants en eau.

Quand il fait trop sec, comme cet été, les plantes sacrifient des feuilles pour réduire la surface d’évaporation : voilà pourquoi des feuilles séchées sont apparues cet été, bien avant l’automne. Cela diminue le flux de sève, donc les besoins en eau.  

Où va l’eau quand on coupe la forêt ou quand on récolte les champs ?  

Il n’y alors plus qu’un peu d’évaporation du sol, qui représente selon les climats de 1 à 10% de l’eau de pluie. Où va donc le reste ? Le naturaliste allemand Alexander von Humboldt fut le premier à le comprendre, lors de son voyage en Amérique du sud au XIXème siècle ; écoutez ce qu’il en écrit : « Lorsqu’on détruit les forêts, les lits des rivières (…) se convertissent en torrents, chaque fois que de grandes averses tombent (…). Les eaux pluviales ne sont plus retenues dans leurs trajets. ».  

Il faut ajouter que les plantes, à leur mort, finissent dans le sol sous forme de matière organique et continuent à agir sur l’eau. Car cette matière organique retient jusqu’à 90% de son poids en humidité ! Les débris des plantes transforment donc les sols en éponges et cela limite aussi les crues des rivières après les pluies. L’eau s’échappe lentement par la suite et nourrit les rivières en période sèche. Mais si on coupe la forêt ou si on laisse les champs nus après les récoltes, le sol s’appauvrit en matière organique : les crues et les étiages deviennent plus marqués. 

Par leur vie et à leur mort, les plantes gèrent discrètement l’eau autour de nous. On le découvre souvent trop tard, lorsque des inondations nous rappellent qu’on s’est privé de leur aide… 

La « chronique du vivant » de Marc-André SELOSSE, en partenariat avec le Muséum national d’Histoire naturelle et c’est à réécouter sur Franceinter.fr

Marc-André Selosse
Marc-André Selosse
© Radio France - Musée National d'Histoire Naturelle

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