"Saisons" de TESSÆ

France Inter
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Mélanie Bauer décrypte la première mixtape de la jeune chanteuse TESSÆ. Les quatre saisons version 2020, ça parle d'harcèlement scolaire, de sexisme et d'adolescence... Coup de cœur.

Avec

Ce n’est pas facile d’avoir 20 ans, quelque soit le siècle ou la saison, 20 ans, c’est le bout d’un très long tunnel d’adolescence, souvent cruelle quasiment une moitié de vie à subir un corps qui se tord pour enfin cesser de grandir, une pensée qui se doit d’accepter les injustices programmées pour survivre, un hiver interminable sans aucune promesse de printemps. Voilà, ce que c’est 20 ans, Life is a bitch and then you die, la vie est une chienne et puis tu meurs. Chaque génération le chante à sa façon, pour nous, vos parents, Tessa, c’était Kurt Cobain et Nique ta mère, pour vous, c’est Billie Eilish et Gims. Et le plus formidable, c’est qu’à chaque tour de roue, les nouveaux adultes ne changent pas, à croire que la maturité rend sourd. 

Grandir, c’est pas si facile, après y’a vieillir mais ce sera l’objet d’une autre chronique, avec un artiste estampillé Vizorek. Revenons à vous, Tessa, qui posez vos textes sur cette mixtape organisée en quatre saisons, des prods qui quittent peu à peu le soleil pour se glacer en fin de disque, une voix qui se tire au fil du disque vers les graves en nappes de mélancolie. On a beaucoup associé vos chansons à vos souffrances d’enfant, oui, pour moi le collège c’est encore l’enfance, mais ce que l’on oublie souvent en vous réduisant à vos traumatismes de harcèlement et d’échec scolaire, c’est que ce disque n’est pas un disque de perdante. C’est un album fort, fier et combatif qui n’a pas perdu le goût de l’amour. 

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Évident, ce titre raconte votre carrière, toutes ces bosses qui ont forgé une tête bien dure prête à croire en ses rêves. Il ne s’agit pas de hasard, ce sont ces heures à ruminer des mélodies et des rimes seules dans votre chambre qui ont payé. Ce sont ces années à refuser d’entrer dans le moule du jean taille basse avec le string qui dépasse, qui ont ciselé ces mots. Alors, je ne vous dis pas que vous avez eu de la chance d’en baver au lycée, loin de moi ce méchant raccourci, non, je dis simplement que votre disque n’est pas triste, il est combattant. 

La morale de cette chronique, comme je le dis souvent, c’est qu’il faut écouter nos enfants, chaque génération à son langage, sa sonorité, de nouveaux codes à apprivoiser, mais le message est toujours le même, celui de la grande poétesse adolescente de 80 ans, Brigitte Fontaine, J'irai pas me coucher.J'irai pas à votre école, J'irai pas à votre hôpital. J'irai pas à vos Facebook, J'irai pas à vos colonies de vacances,  J'irai pas à votre enterrement. Dire non, c’est tout un art et c’est nécessaire pour avancer une société. Tessae, à l’envers.