L’amendement qui remet en cause la loi Evin, une loi qui, on le sait, encadre la publicité pour les boissons alcooliques, a finalement été voté, contre l’avis de Marisol Touraine, ministre de la santé. Ce « détricotage » de la loi Evin a été l’occasion d’une belle cacophonie gouvernementale et a provoqué un tollé chez les professionnels de la santé. Comment décryptez vous cette décision ?
Une belle cacophonie en effet Guillaume qui a fait monter au créneau la plupart des psychiatres, médecins, et pas moins de 18 associations spécialisées dans la lutte contre l’alcoolisme, bref tous ceux qui officient au quotidien contre ce fléau que provoque la consommation excessive d’alcool dans notre pays. Tous ceux que les promoteurs de l’amendement baptisent de « lobby hygiéniste ».
Cet amendement qui différencie information et publicité sur l’alcool va en effet très clairement permettre une plus grande visibilité des boissons alcoolisées dans l’espace public et donc banaliser davantage leur consommation. Les contenus incitatifs à la consommation et les supports interdits à la publicité par loi Evin – télévision et cinéma jamais remis en cause depuis 1991 – lui échapperont désormais et seront un espace ouvert au marketing.
L’affaire est d’importance car elle témoigne du poids de certains lobbies face à l’intérêt bien compris de la santé publique. ..
Et vous voulez donc profiter, Serge, de votre dernière chronique avant l’été pour nous mettre en garde contre les dangers de nos bon produits du terroir et remettre en cause les vertus de l’oenotourisme ?
Ah comme ils vont être délicieux ces petits pastis bus à l’ombre des terrasses, quand la journée se fait moins chaude et que les cigales s’en donnent à cœur joie ! Ces petits vins rosés qui coulent à flots pendant que viandes et poissons grésillent sur les barbecues !
Et oui, mais il faut être Français pour ne pas voir l’alcool comme une drogue potentiellement dure, et pour trouver banal d’en faire la promotion. Français, nous sommes les victimes de notre culture du vin. Depuis des siècles, nous le cultivons, nous le magnifions, nous le civilisons. L’alcool est «notre» drogue et le vin «notre drogue made in France». Et quand il faut à nouveau choisir entre viticulture et santé publique, les décisions françaises deviennent hésitantes, contradictoires, incertaines… Peu importe alors que l’abus d’alcool soit à l’origine de centaines de milliers de morts prématurées chaque année, notamment sur la route. Peu importe qu’il soit le 2° facteur de risque de cancer évitable, responsable de 15000 décès par an…
Allez, puisque vous l’évoquez Guillaume, je vous propose avec mon ami le Dr Lowenstein, un petit voyage oenotouristique !
Et où donc allez-vous nous emmener ?
Paris s’éveille. Le boulanger livre son pain. Du moins, il essaie. Il est compressé et tué par des policiers sacrement éméchés. Direction Orthez : une maman accouche, elle meurt. L’anesthésiste ivre, malade chronique de l’alcool, est incarcérée. Pas la peine d’aller bien loin, partout sur la carte de l’Hexagone, jetez un oeil sur le cimetière discret des femmes battues à mort par leurs conjoints trop alcoolisés. Bordeaux ou Nantes ? Que choississez-vous pour la plongée œnotouristique ? Partout en tout cas, vous retrouverez les squelettes des ados tombés un soir de fête et de binge-drinking. Direction le Nord, au Musée des malformations foetales…? À moins que vous ne préfériez visiter le centre de rétention des enfants, vivants mais déficitaires, souffrant de syndrome alcoolo-fœtal? Allez, terminons par un petit tour, vite fait, dans les urgences de tous les hôpitaux, un samedi soir, entre vomissures et relents éthyliques. Je vous sens fatigué. Préférez-vous un passage par la case commissariat et cellule de dégrisement? Courage! Une visite pour finir: nos Palais de justice, embouteillés par le jugement des violences et homicides liés à l’alcool. Allez Guillaume, je ne vous gâcherai pas plus longtemps le bel été qui vient. Ni cette dernière chronique de l’année qui sera aussi le dernier mot du psy. Je vous souhaite à tous de belles vacances. J’ai eu un immense plaisir à vous accompagner dans cette émission tous les mercredi depuis cinq ans. Profitez bien des plages, des terrasses, des pastis et du vin rosé, avec modération, bien sûr, et, surtout, sans prendre le volant…
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