

Avec la guerre en Ukraine, les achats d’armement décollent en Europe. Une fois n’est pas coutume, le made in France apparaît bien placé pour profiter de cet essor… Marc Chevallier, d'Alternatives économiques fait le point.
L’année dernière, les importations d’armes ont augmenté d’un tiers sur le Vieux continent. Elles ont même doublé si on prend en compte les livraisons massives reçues par l’Ukraine. Ce sont souvent des armements d’occasion sortis des stocks des Etats-Unis ou de pays européens. Des stocks qu’il faudra bien reconstituer grâce à de nouvelles commandes. Et ce n’est qu’un début puisque de nombreux pays, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne en tête, ont annoncé une augmentation substantielle de leur budget militaire pour les années à venir.
Les champions français de l’armement, les Dassault, Thalès ou Safran, se frottent les mains. Leurs carnets de commande sont déjà gonflés à bloc grâce à des contrats géants comme celui des 80 avions Rafale commandés par les Emirats Arabes Unis. Leurs performances ont permis à la France de se hisser au troisième rang des pays exportateurs de matériel militaire en 2021 et de dégager des excédents commerciaux sur ce secteur : 4,2 milliards d’euros en 2022.
Comment expliquer cette performance française ?
L’implication de l’Etat. Connaissez-vous le Soutex ? C’est le soutien aux exportations de défense, une administration dédiée qui démarche les clients étrangers, négocie les contrats et finance même une partie de la recherche et développement des marchands d’armes dans l’Hexagone. 900 fonctionnaires, pour la plupart aux ministères des armées, des affaires étrangères ou à Bercy, travaillent pour le Soutex. C’est beaucoup : en comparaison, le soutien à l’ensemble des exportations civiles mobilise seulement 1 500 agents chez Business France ou à Bercy.
Qu’est-ce qui justifie un tel effort de l’Etat ?
Depuis le Général de Gaulle, la doctrine, c’est de maintenir en France des usines qui soient capables de répondre à tous les besoins de l’armée française. Mais le marché français est trop étroit, ce qui oblige les industriels à aller chercher des contrats à l’exportation. Pas facile, quand on sait que les pays de l’OTAN se tournent plutôt vers les Etats-Unis pour leur acheter des armes. Du coup, la clientèle cible des industriels français, ce sont plutôt des pays assez peu démocratiques…
Par ailleurs, ce soutien public a un coût qui est sans doute sous-estimé. Si l’on en croit un rapport récent de la Cour des Comptes, l’Etat est plutôt laxiste avec les industriels, qui visiblement répugnent à lui payer les prestations du Soutex ou les royalties sur les brevets issus de la R&D financée en partie sur fonds publics. La Cour ne précise pas qui sont les mauvais payeurs.
Mais est-ce qu’au final cela ne crée pas beaucoup d’emplois ?
La direction générale de l’armement soutient que les exportations d’armes sont à l’origine de 40 000 emplois directs et indirects en France. Pour le chercheur Yannick Quéau, le vrai chiffre est plutôt de 22 000, le secteur de la Défense surévaluant son poids pour justifier le soutien de l’Etat.
L’impact des ventes d’armes sur l’économie est donc à relativiser. Sans compter que pour décrocher des contrats, les grands groupes tricolores consentent de plus fen plus à réaliser des transferts de technologies et des chantiers dans les pays acheteurs. Et ça, ça n’est pas une bonne affaire pour le tissu des PME dans l’Hexagone.
« L’effort démesuré de l’Etat pour soutenir les exportations d’armes », c’est un article à retrouver sur le site d’Alternatives Economiques. A signaler aussi en kiosque le numéro de mars du mensuel avec à sa une un dossier sur les retraites
L'équipe
- Chronique