La chronique Eco samedi 31 octobre 2020

France Inter
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La chronique éco de Marc Chevallier, rédacteur en chef d'Alernatives Economiques.

J-3 avant l’élection présidentielle américaine. « Make America great again », le mot d’ordre de Donald Trump visant à rendre sa grandeur à l’Amérique risque de produire selon vous l’effet inverse dans un secteur où elle excelle : les technologies. Pourquoi un bilan si négatif?

 Depuis le début de son mandat, le président républicain a dans son viseur les nouveaux géants high tech de l’Empire du Milieu. Et d’abord Huawei, l’équipementier télécoms que les administrations Bush et Obama soupçonnaient déjà d’espionnage pour le compte de Pékin.

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Au nom de la sécurité nationale, Donald Trump a interdit l’utilisation par l’Etat de tout matériel provenant de Huawei et de son compatriote ZTE. Il a invité fermement les gouvernements alliés des Etats-Unis à bannir la technologie 5G de Huawei. Enfin, il a carrément fait placer l’équipementier chinois sur la « liste noire » du département du Commerce.

Qu’est-ce que cette décision implique ?

Qu’aucune entreprise, quelle que soit sa nationalité, n’a plus le droit de vendre à Huawei des produits contenant des technologies américaines. C’est un coup dur pour l’industrie américaine des semi-conducteurs. Les semi-conducteurs, ce sont les puces électroniques qui font tourner vos smartphone, vos ordinateurs, vos téléviseurs, les équipements de réseau télécoms et même vos voiture. Avec les GAFA, Google, Apple et les autres, ces minuscules composants sont le pilier de la puissance américaine : six des dix premiers industriels mondiaux des semi-conducteurs ont leur siège aux Etats-Unis. Avant l’embargo, ces acteurs américains réalisaient un chiffre d’affaires de 49 milliards de dollars avec les entreprises chinoises, au premier rang desquelles Huawei. On imagine le manque à gagner.

Les Américains comme les Européens ont raison de se méfier des équipements 5G de Huawei. Mais certains experts jugent que l’embargo américain embrasse trop large et menace des dizaines de milliers d’emplois aux Etats-Unis. Ils craignent que les entreprises chinoises, mais aussi européennes, se détournent durablement des technologies américaines par peur des foucades de Washington.

Justement, cette semaine, le Comité central du Parti communiste chinois s’est réuni pour adopter en fanfare son quatorzième plan quinquennal. Pékin devrait investir 1 400 milliards de dollars dans les technologies d’ici 2025. L’un de ses objectifs, c’est l’autonomie de la Chine sur les puces de nouvelle génération.

Les Etats-Unis pourraient perdre leur hégémonie technologique sur le reste du monde ?

Le risque existe à terme. D’autant que Donald Trump a décidé en août d’interdire sur le sol américain les applis d’origine chinoise WeChat et TikTok, très utilisées par les adolescents. Il les accuse aussi d’espionnage. Là encore, ça pourrait se retourner contre les intérêts américains : ça crée un précédent qui pourrait justifier que d’autres gouvernements interdisent dans leur pays les services de Google ou de Facebook.

L’élection de Joe Biden mardi prochain ne changerait pas radicalement la donne. Certes, le candidat démocrate préfère la négociation aux oukases de son rival. Mais le China bashing est devenu un sport national aux Etats-Unis et un Joe Biden président aurait bien d’autres urgences à traiter avant d’aborder le dossier de la guerre commerciale avec la Chine.

On peut retrouver sur le site d’Alternatives Economiques un grand dossier consacré à l’élection américaine. Et puis, le numéro de novembre du magazine, en vente chez les marchands de journaux, est un peu spécial… Alter Eco fête ses 40 ans.