Enjambons, en quelque sorte, la crise sociale et économique pour nous transporter dans le monde de l’après-Covid des entreprises. Un monde qui, selon vous, ne ressemblera pas à celui d’hier. Alors comment la crise est-elle en train de changer les entreprises ?
La crise du Covid a produit deux effets majeurs. Le premier, conséquence direct des confinements, c’est l’explosion du télétravail. Dans ma rédaction du Figaro, nous avons réussi sans y etre préparé à déporter 99% des journalistes à domicile en 72 heures. Pas un jour sans parution du journal. Pas un bouclage raté. Ce que nous avons fait, des millions d’entreprises l’ont réalisé. Nous avions tous les outils pour le faire.
Le deuxième effet majeur de cette crise, c’est l’accélération de tendances profondes déjà amorcées. On peut parler de l’engagement des entreprises dans la transition climatique. En bâtissant des plans de relance très verts, les Etats les poussent à développer des produits plus propres, à plus recycler, à moins gaspiller.
Autre accélération notable, le renforcement de l’engagement citoyen des entreprises. Nous l’avons vu au printemps avec leur mobilisation pour la production de respirateurs, de masque ou de gels hydroalcooliques. Responsabilité sociale et environnementale, raison d’être, solidarité deviennent des valeurs essentielles partagées et défendues par les salariés, les dirigeants et les actionnaires des sociétés.
Troisième évolution indiscutable, l’accélération du virage numérique à tous niveaux, pour télé-travailler comme pour vendre à distance.
Autant d’évolutions, vous le voyiez, qui changent profondément les entreprises, non sans inquiéter au passage les dirigeants.
Pourquoi parlez-vous d’inquiétude ?
Parce que mener de front et au pas de charge de telles transformations est un challenge immensément complexe.
La voiture ou l’avion propre, ce sont des milliards d’investissement en recherche, une transformation des outils de production. Des métiers vont apparaître, d’autres disparaître.
La généralisation du télétravail pose la question de l’adaptation des bureaux, du maintien du lien dans l’entreprise, de l’organisation même du travail.
Le virage numérique implique l’acquisition de nouvelles compétences.
Innover, produire propre et travailler autrement sont des défis aussi colossaux que les bouleversements provoqués par le travail à la chaîne et la mécanisation industrielle du début du siècle dernier. La tâche est immense. Beaucoup d’entre nous se plaignaient déjà de ne pas pouvoir suivre la révolution technologique et la mondialisation galopante. Et bien la crise du Covid accélère encore le rythme des transformations !
L’Etat est aussi concerné par ces changements…
C’est toute la société qui doit ou qui va changer. L’Etat n’y échappera pas. Surtout pas l’Etat j’aurais envie de dire. Cette crise est révélatrice sur le plan sanitaire de son inefficacité, de la pesanteur d’une bureaucratie totalement inadaptée au monde moderne. Je ne reviendrai pas sur le délire d’une administration qui rédige un guide du consentement pour la vaccination en EHPAD de 45 pages.
L’Etat doit profondément se transformer et surtout retrouver de l’agilité (celle qui s’impose à nous et à nos entreprises) pour mener à bien ses tâches, sous peine de provoquer des dégâts considérables. Chaque jour de retard en matière de vaccination, ce sont des centaines de vies menacées et plus de 500 millions d’euros d’aides d’urgence et de richesses qui ne sont pas produites.
La bonne nouvelle, c’est que la puissance publique apprend de ses expériences et de ses échecs. Critiqué en 2008 pour sa gestion de la crise des subprimes, Bercy est aujourd’hui salué pour son action. Rien n’est donc perdu. Haut les cœurs !
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