

Emmanuel Macron l’a annoncé mardi dernier, les musées et les salles de spectacle pourront rouvrir le 15 décembre si la situation sanitaire le permet. En attendant, nombre d’entre eux se sont mis à l’heure du numérique…
Et on peut parler d’un véritable basculement. On a vu la Comédie-Française proposer des créations théâtrales et des lectures en ligne, l’Orchestre national du Capitole de Toulouse retransmettre ses concerts en Facebook live, le musée du Louvre a créé des visites virtuelles.
Jusqu’ici, le monde de la culture était plutôt réticent à sauter dans le bain du numérique. Mais l’État l’y encourage : le Centre national de la musique vient par exemple d’allouer une enveloppe de 5 millions d’euros pour financer les représentations sans public, diffusées sur internet. Pour toutes ces structures, c’est bien sûr un moyen de continuer à travailler et d’entretenir le lien avec le public.
Et le public est-il au rendez-vous ?
Plutôt oui, mi-novembre, la production d’Hippolyte et Aricie de Rameau depuis l’Opéra-Comique a été vue 42 000 fois sur le site Arte Concert, un chiffre rarement atteint pour un livestream d’opéra.
Dans le cinéma, les plates-formes ont vu les abonnements s’envoler. Et pas seulement Netflix, mais aussi un petit acteur comme La Cinetek, dédiée aux films d’art et essai.
La période serait-elle peut-être moins mauvaise qu’on ne pouvait le craindre pour ces acteurs de la culture ?
Non, il y a de sérieux bémols. D’abord, pour diffuser leurs offres en ligne, la plupart des structures passent par les GAFAM (Google, Facebook, etc). Cela leur permet de toucher un maximum de gens, mais à long terme cette dépendance à l’égard de ces grands monopoles privés sera problématique.
D’autant que Facebook ou YouTube ne veulent pas entendre parler de contribuer au financement de ces captations vidéo, contrairement à ce que font les chaînes pour les retransmissions télé. Or une captation, ça peut coûter de quelques dizaines de milliers d’euros à plus de 100 000 euros. Le risque, faute de moyens, c’est d’avoir des spectacles low cost.
Les artistes en font aussi les frais : un Facebook live n’apporte aucune rétribution aux interprètes, contrairement à une diffusion télé ou radio. Le droit français est en retard. L’Espagne, par exemple, prévoit une telle rémunération.
Et comment ces retransmissions sont-elles financées ?
C’est le hic justement : par de l’argent public uniquement. L’Opéra de Paris va lancer en décembre une plateforme numérique de diffusion, en partie payante. Mais ce n’est pas ça qui lui permettra de combler le déficit de 20 millions d’euros causé par la crise sanitaire. Pour le moment, la plupart de toutes ces retransmissions sont gratuites et ça reste à démontrer que le public soit prêt à payer pour elles.
L’autre grosse incertitude, c’est de savoir si le public retrouvera le chemin des salles de spectacles après la crise sanitaire. Après le premier confinement, le public est revenu pour moitié seulement dans les cinémas. La faute à l’absence de films américains ? Ou bien le covid a-t-il changé les pratiques culturelles en profondeur ? L’avenir le dira.
En tout cas, ce qui n’est pas très rassurant, ce sont les activités culturelles des 15-24 ans : plus d’un jeune sur deux a pour pratique culturelle principale la consommation quotidienne de vidéos en ligne. Convaincre les jeunes d’aller dans les musées et les salles de spectacles, c’est sans doute un défi encore plus important pour le monde de la culture que la crise sanitaire.
Pour aller plus loin :
- Reconfinement : les plates-formes à l’assaut de la culture, à lire sur le site d'Alternatives économiques.
L'équipe
- Production
- Autre