Au Mexique, un récif assuré

Récif de corail
Récif de corail ©Getty
Récif de corail ©Getty
Récif de corail ©Getty
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Question ce matin dans l'édito carré : faut-il assurer la nature pour la protéger ?

Un seul endroit dans le monde est pour l’instant concerné : un récif de corail qui longe plus de 160 km de côtes au large des célèbres villes de Cancun et Tulum, au Mexique. Ce récif est assuré depuis l’an dernier contre les ouragans de catégorie 3 ou plus, qui ont donc des vents supérieurs à 180 km/h… 

Et vu le record cette année – 30 ouragans dans l’Atlantique nord c’est du jamais vu – autant vous dire que l’assurance a marché : 17 millions de pesos mexicains, ça fait 700 000 euros versés à l’Etat du Quintana Roo rien qu’après le passage de Delta, annonçait le gouverneur en octobre, en déclarant que cette police d’assurance était comme avoir de l’eau dans le désert (mais en se gardant bien de dire combien ça lui coûtait cela dit...)

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À quoi sert l’argent de l’assurance ?

À réparer le récif. Les ouragans, qui sont de plus en plus violents à cause du changement climatique, font des dégâts aussi au fond de l’eau où se brise le corail. 

Des guides, moniteurs de plongée ou pêcheurs, qu’on appelle "la Brigade", dans la ville de Puerto Morelos, partent donc dans les eaux turquoise recoller les fragments de corail qui peuvent être sauvés, ou stabiliser les structures fragilisées… Ils ont agi sur plus de 2000 d’entre elles à l’automne. Des projets à plus long terme de culture de colonies de corail et de restauration sont également financés. 

Mais, mais… Doit-on en arriver là ? Evaluer et donc "marchandiser", dénoncent certains chercheurs en particulier, un récif ou tout autre élément naturel ? En donnant qui plus est de l’argent à des entreprises privées – les assureurs – quand il pourrait être dépensé directement pour les écosystèmes et la population…

Que répondent ceux qui défendent le concept ?

Qu’il faut raisonner comme dans le monde de la finance pour faire avancer la cause environnementale, et que mêler les deux est donc très pragmatique, encore plus quand on connait l’urgence de la situation. 

Les milieux naturels sont vus comme des services, qui protègent les côtes – et donc l’économie aussi quelque part : les récifs de corail diminuent les vagues à 97%, les mangroves, les prés-salés, les tourbières, sont toutes des barrières naturelles, raison de plus pour les assurer… 

On y réfléchit en Indonésie, au Belize et au Honduras. Un raisonnement beaucoup trop utilitariste d’après les détracteurs, d’autant, si on reste sur le récif au Mexique, que les ouragans sont le cadet de ses soucis, au corail ! Il souffre bien davantage de l’acidification des océans, de la surpêche ou du rejet des eaux usées. 

Et puis comment estimer financièrement la valeur de tel ou tel milieu ? Il faudrait plutôt, disent-ils, investir pour anticiper les menaces et les effets du changement climatique car là tout le monde le sait : il n’existe aucune assurance contre lui. 

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