Les militants écolos sous surveillance

Manifestation de soutien à Fanny Delahalle et Pierre Goinvic, convoqués devant la Justice pour avoir décroché les portraits d'Emmanuel Macron
Manifestation de soutien à Fanny Delahalle et Pierre Goinvic, convoqués devant la Justice pour avoir décroché les portraits d'Emmanuel Macron ©AFP - Nicolas Liponne / NurPhoto
Manifestation de soutien à Fanny Delahalle et Pierre Goinvic, convoqués devant la Justice pour avoir décroché les portraits d'Emmanuel Macron ©AFP - Nicolas Liponne / NurPhoto
Manifestation de soutien à Fanny Delahalle et Pierre Goinvic, convoqués devant la Justice pour avoir décroché les portraits d'Emmanuel Macron ©AFP - Nicolas Liponne / NurPhoto
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Poursuites judiciaires, procès, surveillances, au cours des cinq dernières années, des « décrocheurs de portraits » aux militants de la cause animale en passant par les antinucléaires, l’Etat français et ses représentations locales s’organisent pour ne rien laisser passer.  

La scène se passe le 21 février 2019. Fanny Delahalle 36 ans entre dans la mairie du IIe arrondissement de Lyon. Elle se dirige vers la salle des mariages et décroche la photo d’Emmanuel Macron posée sur le mur. Avec une quinzaine de militants de l’ONG environnementaliste Action non-violente COP21, elle dénonce l’inaction de la France sur les questions climatiques.  

Deux jours plus tard, Fanny Dehalle est convoquée à la gendarmerie, son domicile est perquisitionné et après neuf heures de gardes à vue, elle ressort convoquée pour un procès pour « vol en réunion ». Comme elle au moins 125 décrocheurs seront placés en garde à vue partout en France. A la surprise générale, elle sera relaxée six mois après les faits.  

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Cette semaine, Libération, dans son dossier Fil vert, raconte comment « l’indignation » des militants écolos souffre depuis de longs mois d’une répression fréquente.  

Le phénomène est-il récent ?  

Selon Sylvie Ollitrault directrice de recherches au CNRS, il existait déjà dans les années 70 des lois anti-casseurs pour réprimer les mouvements sociaux dans lesquels se trouvaient les écologistes. C’est là que se forge la non-violence, une composante phare des mouvements environnementalistes qui s’inspirent notamment du Larzac. Mais depuis 2015, on observe une montée en radicalité de la répression avec des manifestants réprimés ou arrêtés et une criminalisation de certains actes.  

En décembre 2019, l’ex-ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, un porcelet dans les bras dans une ferme du Finistère lance la cellule Demeter un programme qui se veut une réponse à la montée des attaques de militants contre des agriculteurs. Pourtant, raconte Libé, en épluchant les communiqués des différentes préfectures vantant les mérites des observatoires del’agribashing, on ne trouve pas mention d’une montée inquiétante des actes malveillants « idéologiques » envers les agriculteurs.  

Et comment explique t-on ce climat de méfiance ?   

Selon Antoine Gatet, juriste pour le réseau d’associations France nature environnement, la stratégie des forces de l’ordre et de la justice a clairement pour objectif de démobiliser les militants en durcissant la répression. 

Des opposants au projet d’enfouissement de déchets nucléaires de Bure ont par exemple été mis en examen pour « association de malfaiteurs ». L’Etat a déployé contre eux un système de répression propre à l’antiterrorisme.  

Le constat est aujourd’hui unanime auprès de nombreuses associations d’envergure nationale contactées par Libération : les militants un peu trop remuants sont désormais sous surveillance.  

Les actions menées par ces militants écolos, si elles ont été plus nombreuses et plus médiatisées, ne sont pas pour autant devenus plus violentes. Selon le chercheur Christian Mouhanna, « ces actions du gouvernement semblent être menées pour des motifs politiques et non en réaction à des faits rationnels ».