J’ai donc décidé d’en savoir plus sur ces oiseaux que nous sommes nombreux, avouons-le, à voir davantage comme des rats-volants, qui ont souvent le malheur de laisser trace de leur passage sur nos épaules, (au mieux), que comme des athlètes de haut niveau.
Oui mais au sens propre rassurez-vous (j’en suis pas encore là) ! On se prend pour des pigeons, parce qu’on en a beaucoup entendu parler ces derniers jours dans l’actualité : d’abord la découverte en Alsace d’un message militaire manuscrit datant de 1910, probablement perdu par un pigeon voyageur, et puis dimanche cette somme hallucinante, et record : 1,6 millions d’euros aux enchères pour “New Kim”, une pigeonne championne, l’un des cracks européens des concours colombophiles parait-il, les courses de pigeons voyageurs, élevée en Belgique et vendue à un chinois, car le pays est en pleine “passion pigeons”.
Et qu’avez-vous trouvé alors ?
Et bien figurez-vous que dans son Histoire de la domestication animale, qui vient de sortir et que vous pouvez aller récupérer à la porte de votre libraire, l’historienne des sciences Valérie Chansigaud consacre tout un chapitre aux pigeons, qui ont de très nombreuses variations génétiques - que ce soit le bec, le crâne, la couleur ou la masse corporelle, car la quasi majorité des 47 millions de spécimens comptés en 2015 par la FAO, sur tous les continents, a croisé notre route à un moment ou à un autre…
C’est en Egypte que remontent les premières traces d’élevage il y a 4 000 ans, pour être consommés et sacrifiés dans certains rites. Mais il faudra attendre le 17è siècle pour voir les pigeons en Europe, où, à travers les époques, on les domestique pour les admirer, les consommer ou en faire des outils de communication - les fameux pigeons voyageurs, avec le Tippler qui peut voler jusqu’à 22h, ou le Tumbler capable, lui, de faire des pirouettes en l’air. Pas mal !
Mais comment le pigeon perd-il sa bonne réputation ?
La rançon du succès, ou presque… Trop nombreux ces pigeons biset (columba livia) la plus répandue des 350 espèces… Ils prolifèrent dans les villes, et deviennent au début du 20ème siècle des intrus insupportables et potentiels vecteurs de maladies qu’il faut donc é-li-mi-ner ! A New York on bannit par exemple les élevages sur les toits des immeubles dans les années 30, avant d’organiser carrément des campagnes d’empoisonnement à la strychnine, extrêmement toxique…
Evidemment, beaucoup condamnent une inacceptable cruauté, c’est la scission entre "amour et détestation" du pigeon, titre du chapitre dans cette passionnante Histoire de la domestication, sujet de société hautement sensible, philosophique et plein de curiosités dont on parlera cet après-midi dans la Terre au Carré… vous comprendrez même comment le chihuaha peut descendre du loup.
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