Anthony Bellanger
Les Chrétiens sont donc persécutés au nord de l’Irak, mais aussi une autre minorité religieuse.
Les Yazidis ou Yézidis. Ils sont en Irak de 500 à 600 000, mais il y en a aussi en Syrie. Ils pratiquent une religion 6 fois millénaire qui plonge ses racines dans la très haute antiquité. La preuve ? Depuis avril les Yézidis sont entrés dans l’année 6764 !
C’est une religion monothéiste qui révère l’ange – paon, comme l’animal. Un ange – paon qui serait le chef d’un groupe de sept anges tutélaires. Les Yézidis ont 2 livres sacrés et un lieu de pèlerinage, à Lalish, toujours en Irak.
Je vous conseille de faire un tour sur Internet pour découvrir le temple sacré des Yézidis. Le tombeau du saint des Yézidis est coiffé de trois clochers incroyables en forme de cône.
Les Yézidis sont la preuve vivante de l’incroyable diversité religieuse et culturelle de ce coin du Moyen Orient. D’autant qu’en plus, ils parlent un dialecte du kurde, peuple auquel ils appartiennent, et sont organisés en castes.
Et ils sont donc menacés au même titre que les Chrétiens d’Orient ?
Plus menacés encore. Pour les extrémistes sunnites de L’Etat islamique en Irak et au Levant, les Chrétiens sont certes des infidèles mais au moins le Coran les respecte et les nomme : ce sont les « ahl al-kitaab », les gens du livre.
Alors que les Yézidis sont carrément, selon eux, des adorateurs du Diable et en plus d’un « diable » à qui ils donnent la forme d’un animal, le fameux paon ! Ce qui est doublement impie !
Aussi lorsque les islamistes radicaux ont conquis le weekend dernier des villes et villages Yézidis au nord de Mossoul, la panique s’est littéralement emparée d’une communauté qui, malgré tout, a le souvenir de siècles de persécutions.
On estime que 200 000 Yézidis ont ainsi fui la région pour se réfugier en masse dans le Kurdistan voisin. Et sur ces 200 000 les trois-quarts ont réussi à traverser la frontière et ont été pris en charge par les Kurdes irakiens.
Et ceux qui n’ont pas pu rejoindre le Kurdistan ?
Ils sont de 10 à 40 000, on ne sait pas trop. Ils sont encerclés dans une zone montagneuse appelé mont Sinjar. Surtout ils n’ont aucun moyen de s’enfuir : toutes les routes sont contrôlées par les islamistes radicaux.
On sait qu’il y a parmi eux des milliers d’enfants et que l’eau et la nourriture manquent. Les Turcs ont bien essayé de larguer des vivres et de l’eau par hélicoptères, mais la zone est trop accidentée pour que ce soit efficace.
On sait aussi que des Kurdes syriens ont commencé à affluer pour aider les peshmergas irakiens. Mais une contre-offensive prendra du temps et du temps, les Yézidis du mont Sinjar n’en ont pas.
Mais le plus désolant dans cette histoire qui risque de se terminer très mal, c’est qu’on savait les Yézidis en danger. Et ce depuis plusieurs mois. Mais à la différence des Chrétiens d’Orient, les Yézidis n’ont pas de relais en Occident.
Personne pour accompagner leur martyr, ni mobiliser les ressources d’un Etat ou même les médias. Il a fallu attendre cette situation épouvantable, avec des milliers de Yézidis prisonniers d’une montagne, pour en entendre enfin parler.
Il était temps et il est peut-être surtout trop tard…