Par Piotr Smolar, journaliste au quotidien Le Monde
François Hollande cherche une réponse appropriée, mais sa marge de manœuvre est limitée.
Le président est pris dans des sables mouvants. S’il bouge, il risque de s’enfoncer davantage. Par tempérament et par calcul, il préfèrerait l’immobilité. Impossible, vue l’ampleur de la crise.

Mais que peut-il faire ? On entend beaucoup de suggestions, radicales ou cosmétiques. Un remaniement, par exemple. C’est un outil archi classique. Vous croyez qu’en changeant le casting, les Français aimeront plus le film ? En plus, avec le quinquennat, c’est un fusil à un coup. Or il y aura des européennes et des municipales l’an prochain, forcément pénibles pour la gauche. Mieux vaut garder cette cartouche.
La dissolution, elle, serait suicidaire. Elle est espérée par ceux qui profiteraient d’un nouveau vote. Dans leur vindicte populiste contre les partis de gouvernement, le Front de Gauche et le Front National sont des alliés inavoués.
Enfin, il y a la question du référendum. J’ai regretté mille fois à ce micro la triste timidité de la gauche sur la rénovation de la vie publique, le cumul des mandats ou encore les conflits d’intérêts. Le conservatisme du PS, un parti d’élus sans vision, coûte cher aujourd’hui. Un référendum sur la vie publique serait certes risqué. Mais il permettrait de contourner ces parlementaires de tous bords, incapables de se réformer eux-mêmes. - Il n’est pas sûr que l’Elysée prenne un tel risque. C’est peu probable. On nous parle d’un prochain texte en conseil des ministres. Mais si François Hollande se contente d’ouvrir le parapluie et d’attendre la fin de l’orage, c’est la foudre qui tombera. Soyons juste. Les responsables politiques ne sont pas plus corrompus qu’il y a dix ou vingt ans. Allons plus loin. Si François Hollande n’a pas su ou voulu se prémunir contre ce scandale Cahuzac, c’est parce qu’il a refusé d’instrumentaliser la police et la justice, comme ses prédécesseurs. Mais alors, d’où vient-il, ce sentiment de marasme généralisé ? D’où vient-elle, cette intuition que, moins d’un an après l’élection de François Hollande, le quinquennat est déjà fini ? On voit bien que l’affaire Cahuzac est un catalyseur dramatique de colère. Un catalyseur, c’est une substance qui accélère la vitesse d'une réaction chimique. Dans ce cas précis, la réaction c’est le discrédit des partis de gouvernement. Ce discrédit vient de loin, de leur impuissance prolongée face à la crise économique. Difficile de distinguer une austérité de gauche d’une austérité de droite. Du coup, leur langage est démonétisé. On a l’impression que deux mondes parallèles existent. Celui de l’économie réelle, des chômeurs, des salariés, des artisans, qui se sentent dans la seringue, en insécurité sociale. Et puis, il y a le monde de la finance, ce village dans les nuages bâti sur des sommes folles, qui étire sa toile d’un refuge offshore à l’autre, par-delà les frontières, en se moquant des fiscs nationaux. Tant que les responsables politiques n’auront pas créé et partagé, en Europe pour commencer, une boîte à outils efficace pour policer ce village, il n’y aura aucune réconciliation possible entre les peuples et les élites.